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16 mars 2023
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Luc Mory (Naf Naf): "Nous projetons d'ouvrir cette année 30 nouvelles boutiques en France"

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16 mars 2023

Alors que l'habillement milieu de gamme en France subit une phase de turbulences et des défaillances (Camaïeu, Kookaï, Pimkie…), Naf Naf a essuyé quelques difficultés mais suit son cap en programmant une salve d'ouvertures de boutiques en 2023. L'enseigne de mode féminine, reprise en 2020 par son fournisseur franco-turc SY après être passée par un redressement judiciaire, compte atteindre le cap des 250 points de vente en France d'ici 2024. La marque née dans le Sentier parisien il y a cinquante ans espère également augmenter son empreinte à l'international, mais aussi progressivement monter en gamme pour assurer son avenir, comme l'explique à FashionNetwork.com son PDG Luc Mory, et sa directrice communication et image Laetitia Mendes.


Luc Mory est le PDG de la marque depuis 2013. Il a connu l'époque Vivarte, puis le rachat de Naf Naf par le chinois La Chapelle, et enfin la reprise en main il y a trois ans par SY. - DR


FashionNetwork.com: Comment s'est déroulée l'année écoulée pour Naf Naf?

Luc Mory: 2022 a été une année difficile. Nous visions 175 millions d'euros de chiffre d'affaires et avons finalement atteint 170 millions. Après une année 2021 encore perturbée par des restrictions, 2022 a été marquée par l'impact de la guerre en Ukraine puis par l'inflation. Pour nous, la semaine du Black Friday a été la plus dynamique de l'année, signe que les promotions étaient attendues.

L'an dernier, de grands chantiers de transformation se sont poursuivis. Nous avons maintenant l'avantage d'être un fabricant-distributeur, mais brancher directement les usines sur les boutiques n'est pas si facile. Malgré notre ancrage en zone Euromed (75% de la production s'effectue en Turquie, Tunisie ou Maroc), les prix de la confection et des matières ont fortement augmenté et la concurrence a été rude, avec les marques qui se sont réintéressées à la région. Nous avons dû répercuter une hausse d'environ 10% sur les prix de vente.

Le sujet de la rentabilité du réseau nous a également occupé, par de nombreuses négociations menées sur les loyers, avec la nécessité pour nous d'adapter ce montant en fonction du chiffre d'affaires généré.

FNW: Ces discussions ont-elles été efficaces?

Luc Mory: Des bailleurs coopèrent, mais ce n'est vraiment pas évident. Si des désaccords persistent, certains magasins ferment ou fermeront. Pour préserver le parc, qui est de 200 adresses en France, nous optons en fait pour la relocalisation. Et par de nouvelles ouvertures: après avoir inauguré 4 à 5 boutiques en 2022, nous voulons accélérer avec l'objectif d'ouvrir 30 points de vente en 2023 (10 au premier semestre et 20 au second), essentiellement en succursale, puis d'atteindre les 250 unités d'ici fin 2024.

FNW: Pourquoi cette forte expansion aujourd'hui? Quels emplacements visez-vous?

Luc Mory: Il y a de vraies opportunités à saisir, dans ce contexte d'évolution du marché, déclenché par la défaillance de Camaïeu. Des villes se vident, les taux de vacance grimpent, c'est alors plus facile de négocier de bonnes conditions de loyer. Cependant nous restons sélectifs sur les emplacements. L'idée est de cibler des petites ou moyennes villes, comme Pontarlier et Vienne, où Naf Naf va prochainement s'installer, sur des surfaces un peu plus restreintes (120 mètres carrés environ), où l'on arrive à un taux d'effort inférieur à 10%.


L'intérieur du magasin barcelonais de la marque, ouvert en 2022


FNW: Où en êtes-vous côté e-commerce?

Luc Mory: Tous canaux confondus, le digital représente 15 à 20% de nos ventes. Nous n'atteindrons pas plus de 25 à 30% à l'avenir, par des développements uniquement rentables. Notre réseau de magasins va rester dominant. Nous avons confiance dans le commerce physique et nos clientes aiment passer du temps en boutique.

Le digital peut néanmoins aider à développer des services en magasin, comme la e-réservation. En 2022, les logiciels d'encaissement et le matériel de caisse ont tous été changés, ils dataient de l'ère Vivarte… C'était vraiment nécessaire. D'ici deux à trois mois, une solution de commerce unifiée sera opérationnelle. Nous avions du retard sur ce sujet. Pour évoluer, il faut se moderniser.

FNW: A l'international, voyez-vous aussi des axes de développement?

Luc Mory: Le Benelux et l'Espagne (où Naf Naf a rouvert un magasin à l'enseigne en 2022, ndlr) sont des marchés très dynamiques pour la marque. En Italie, nous avons repris en main la distribution et créé une filiale: depuis décembre 2022, 26 corners sont installés dans les grands magasins Coin, avec un très beau démarrage. Ce qui nous donne envie d'y ouvrir des magasins à l'enseigne.
A l'export, les produits Naf Naf sont vendus plus chers qu'en France. Quand la marque a un positionnement un peu plus premium, on observe qu'elle fonctionne mieux…

Laetitia Mendes: Notre collection Héritage, lancée il y a quelques jours pour fêter les 50 ans de la marque, le montre aussi. Il s'agit de pièces d'archive plus premium, vendues en édition limitée et avec un style plus streetwear, ce qui nous permet de recruter une clientèle de millenials, qui viennent compléter notre cible des 35-45 ans. Les jeunes générations vont chercher nos looks historiques sur Vinted. Notamment la combinaison. Celle-ci a été rééditée pour cette capsule anniversaire et les 200 pièces ont été écoulées très vite.


Visuels de la capsule anniversaire "Naf Naf Héritage"


FNW: Côté offre, le style Naf Naf évolue donc?

Luc Mory:
 Nous avons retravaillé en profondeur la plateforme de marque, avec Peclers, en questionnant son histoire, ses codes… Visible sur la collection du plein été 2023, la nouvelle charte style propose des silhouettes plus reconnaissables, reprenant l'ADN d'origine, ciblant une cliente plus jeune et plus détente.

Laetitia Mendes: Naf Naf s'est toujours amusée des codes, et encourage le fait de panacher des looks. Elle cultive également toujours une vraie proximité cliente, un 'Naf Tour' va bientôt passer par La Rochelle, Strasbourg et peut-être Bruxelles, avec un camion dédié.

FNW: Allez-vous augmenter à nouveau vos prix?

Luc Mory: C'est prévu, mais cela se fera progressivement, pour accompagner la nécessité d'être plus premium. Sur certaines catégories, comme la robe, Naf Naf est comparée à des griffes plus haut de gamme, alors que sur d'autres pièces, comme les pulls, les consommatrices citent en équivalence des chaînes comme Zara ou Promod. La perception de la marque a besoin d'être améliorée, cela ne se fera pas en une saison.

FNW: Beaucoup d'enseignes communiquent leurs évolutions RSE, quelle est votre feuille de route?

Luc Mory:
C'est un gros chantier. Nous avons embauché quelqu'un en interne pour centraliser ces sujets. A ce jour, 30% de nos produits sont plus durables. L'avantage de notre sourcing plus proche est de limiter le transport. Un bilan carbone de nos activités est en cours, et nous travaillons sur l'application de la loi Agec. Je ne sais pas si on mettra en avant ces avancées, car quand on le fait nous-mêmes, les clients ne nous croient pas trop… Nous allons plutôt opter pour un œil et une évaluation extérieure.


Collection printemps-été 2023


Laetitia Mendes : Sur le volet social, nous poursuivons nos engagements en faveur des femmes. En 2022, nous avons reversé 110.000 euros à plusieurs associations œuvrant pour leur soutien et leur santé, ou encourageant la jeune création.

FNW: Comment envisagez-vous 2023, en termes d'activité?

Luc Mory: Le début d'année est un peu compliqué. On sent en février/début mars un effet négatif, car nos stocks d'hiver ont été mieux gérés et donc moins importants en fin de saison, alors que la météo restait fraîche. Il nous manque une offre de "printemps froid". Mais nous avons préféré mettre l'accent sur le plein été, qui arrivera en avril, puis en mai et juin. Nous aurons beaucoup plus de nouveautés et de quantités commercialisées. Cette stratégie nous coûte un peu à l'heure actuelle, mais va nous rapporter après.

Notre prévision d'activité est peu ambitieuse, il s'agit de rester stable en 2023, par rapport à 2022. Les nouvelles ouvertures que nous allons opérer, en France et à l'export, devraient nous permettre de générer un chiffre additionnel de 15 millions d'euros, pour atteindre le cap des 185 millions d'euros.

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