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23 juin 2020
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Le luxe face à un consommateur plus concret et raisonnable

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23 juin 2020

Le marché du luxe mondial, dont la croissance annuelle était attendue autour de +3,2 % pour la période 2020-2022, a vu sa course freinée brutalement par la pandémie du coronavirus. Aujourd’hui, les prévisions les plus optimistes tablent sur une baisse des ventes de 35 à 45 % pour 2020. Une chute encore plus marquée (entre 40 et 60 %) pour ce qui est du luxe expérientiel (hôtels, voyages, croisières). Telles sont les estimations publiées par le Boston Consulting Group (BCG) lors d’une visioconférence, ce mardi, sur les consommateurs et le retail dans le haut de gamme, organisée par l’association italienne des entreprises de luxe Altagamma.

Le Covid-19 a impacté en profondeur les consommateurs du luxe - shutterstock


Selon cette 7ème édition de l’observatoire "True-Luxury Global Consumer Insight", l’industrie du luxe récupèrera progressivement ses pertes avec un retour aux valeurs de 2019 pas avant 2022-23. Cette recherche, réalisée par le BCG en collaboration avec Altagamma, se concentre en particulier sur la pointe de l’iceberg, c’est-à-dire les top-consommateurs, dépensant autour de 39 000 euros annuels en biens de luxe.

Eux aussi ont été impactés par la crise du Covid-19. Près de 57 % d’entre eux affirment que l’incertitude économique les empêche d’effectuer les achats ou investissements planifiés auparavant. Pour 43 %, la reprise ne sera pas rapide. Seuls les Chinois se montrent plus optimistes, puisque 77 % parient sur une reprise rapide. Des points de vue qui varient en fonction des catégories de produits. Ainsi pour le casual wear et les cosmétiques, l’impact sera plus modéré avec un retour à la normale d’ici à deux ans. En revanche, la reprise sera plus longue pour des catégories comme l’horlogerie, la joaillerie et la maroquinerie.

Parmi les nouvelles grandes tendances du marché, relevées par les 12 000 consommateurs interrogés dans le cadre de cette étude, trois concernent l’actuelle sortie de crise et cinq devraient s’installer durablement. En toute logique, le luxe expérientiel et le tourisme subissent de plein fouet l’impact de la crise sanitaire. Exit les croisières et la vie nocturne animée ! Les top consommateurs préfèrent voyager moins et se replier à la maison en mettant l’accent sur l’high-tech et les bons vins ou sur les rencontres privées et exclusives (yacht). L’Italie, qui était la destination préférée des Chinois et Coréens, descend en troisième position derrière la France et le Japon.

Toujours en raison de la diminution actuelle des déplacements, les Chinois consomment de plus en plus dans leur marché domestique et non plus autour du monde. Enfin, la troisième tendance à court terme concerne le recul des achats des Millennials et de la Gen Z, qui ont été les plus touchés financièrement pas la crise. Mais d’ici à 2025, il représenteront 55 % des ventes totales de luxe. Du coup, les actions marketing envers ce segment restent primordiales pour les griffes. Près de 60 % des clients les plus jeunes affirment avoir été influencés dans leur décision d’achat durant le confinement par une publicité vue sur les réseaux sociaux, tandis que cela a été le cas seulement pour 25 % des consommateurs plus âgés.

Parmi les cinq tendances destinées à perdurer, les auteurs de l’étude voient une polarisation majeure entre l’Occident et la Chine. La majorité des européens et américains envisagent de s’orienter vers des marques discrètes et intemporelles, tandis que les Chinois sont attirées par des griffes plus voyantes. Quelque soit la stratégie adoptée par les maisons, il est fondamental qu’elles restent fidèles à leur identité et tradition, prône la recherche.


Les jeunes consommateurs ont été les plus touchés pas le Covid-19 - BCG - Altagamma


Deuxième tendance, la montée en puissance du développement durable. "Le consommateur sera toujours plus sélectif privilégiant la durabilité à 360 degrés Non seulement les marques devront afficher des processus respectueux de l’environnement, mais adopter aussi une démarche responsable dans la sphère sociale et de la diversité", souligne Filippo Bianchi, l’un des auteurs de l’étude.

Troisième tendance, la personnalisation digitale du service proposé lors des achats en ligne à travers le "clienteling 2.0". Habitué à être chouchouté en boutique, le consommateur de "vrai luxe" veut être tout aussi bien traité en mode virtuel. Dans ce contexte, un grand effort doit être porté sur la data, l’intelligence artificielle et l’analyse avancée.

Dans la continuité de cette tendance s’inscrit le quatrième défi, à savoir "une nouvelle équation du shopping, entre accélération de l’online et expérience en magasin". Le confinement est passé par là et de plus en plus de consommateurs envisagent d’acheter du luxe sur le web, tandis que les ventes e-commerce vont doubler. Les maisons devront donc créer une connexion en ligne qui soit perçue comme exclusive et qui aille au-delà de ce que peuvent offrir les revendeurs.

Enfin, cinquième et dernier phénomène qui s’affirme, le boom de la seconde main et de la location. Une activité, qui finira par être reprise en main par les marques elles-mêmes. Du reste, 70 % des personnes interrogées dans l’étude déclarent vouloir acheter des produits de seconde main directement auprès des maisons.

Dans cette ère post-Covid-19, plus qu'apparaître ultra-concrets, les consommateurs de produits très haut de gamme semblent surtout être devenus plus raisonnables. Comme le souligne l’étude : "Dans cette nouvelle réalité, ils achèteront moins, plus localement et de manière plus sélective". "Il ne s’agit plus de savoir comment vendre tel ou tel produit de luxe, mais surtout quel sens donner à cet achat qui doit devenir un superflu nécessaire", résume Sabina Belli, CEO de la maison joaillière Pomellato, en intervenant lors de la conférence.

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