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Paul Kaplan
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18 mai 2019
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VivaTech : Bernard Arnault parle Blockchain, innovation et esprit d'entreprise

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Paul Kaplan
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18 mai 2019

Le grand patron du luxe Bernard Arnault a confirmé vendredi que son groupe, LVMH, utilise déjà activement la technologie Blockchain pour protéger plusieurs de ses marques de luxe ; le milliardaire français, passionné de nouvelles technologies, a par ailleurs remis le dernier Innovation Award, qui récompense des start-up du numérique.
 

Ian Rogers et Bernard Arnault ont remis le LVMH Innovation Award à Vadim Rogovskiy - DR


« Pour l'instant, la Blockchain nous permet de contrôler notre approvisionnement. De certifier tous les circuits d'approvisionnement de nos différentes marques et maisons : c'est la principale raison de notre intérêt pour cette technologie. Comment allons-nous procéder pour chacune de nos maisons, c'est une question qu'on se posera plus tard. Mais oui, la Blockchain est à l'essai dans plusieurs maisons du groupe en ce moment », a confirmé Bernard Arnault auprès d'un petit groupe de journalistes, peu avant de remettre le prix.

Si l'homme d'affaires a refusé de nommer les marques concernées parmi les 70 du groupe LVMH, des rapports indiquent que Louis Vuitton, Fendi et Givenchy se sont associées à ConsenSys et Microsoft pour lancer Aura, une technologie de registres distribués.

Au cours d'une matinée chargée pour l'homme le plus riche de France, Bernard Arnault a également révélé que le premier sac à main high-tech de Louis Vuitton à être mis en vente ne serait pas le sac en toile innovante muni d'un écran flexible présenté la semaine dernière avec la collection Croisière 2020 de la maison, mais un sac dessiné par Virgil Abloh, qui dirige la création du prêt-à-porter masculin de la marque au monogramme.

Mais au cours d'un bref échange de questions-réponses avec des journalistes, lorsqu'on lui a demandé directement si son groupe participerait à l'appel lancé mercredi par François-Henri Pinault - PDG du groupe Kering, premier rival de LVMH - pour que les grands décideurs du secteur, rassemblés au sommet de la mode de Copenhague, s'engagent sur la voie du développement durable, Bernard Arnault s'est contenté de répondre : « D'après ce que j'ai compris, c'est ce que nous faisons déjà. Il faut comprendre que le groupe LVMH n'est pas qu'une collection de maisons de couture. C'est beaucoup d'autres choses. Nous mettons en place de nombreux programmes au sein de notre groupe en faveur de la protection de l'environnement et du développement durable et ce pour l'ensemble de nos activités. Par exemple, je crois que nous avons été les premiers à tenir compte de l'environnement et de l'empreinte carbone dans la fabrication et la distribution du champagne, des cosmétiques et des produits de beauté. »

Interrogé par FashionNetwork.com sur les investissements de LVMH dans le numérique, le grand patron a répondu : « C'est difficile à dire, mais l'année dernière nous avons découvert que l'e-commerce permettait d'engranger entre 3,5 et 4 milliards d'euros à l'échelle du groupe. Avec une très forte croissance, d'environ 30 % et la tendance devrait se poursuivre. Mais il ne faut pas oublier que nos marques s'efforcent de rester cohérentes avec notre approche générale. En d'autres mots, nous voulons que le mode de distribution soit adapté spécifiquement au produit. Nous nous efforçons d'éviter que nos produits se retrouvent dans ce qu'on appelle le "marché gris" et soient vendus dans un environnement inapproprié. Si vous prenez l'exemple de Louis Vuitton : c'est la seule marque qui n'a jamais fait de soldes. Nous insistons pour que toute la distribution de Louis Vuitton sur Internet suive les mêmes critères que dans nos propres magasins. »

Bernard Arnault a décerné à Vadim Rogovskiy, PDG de 3DLook.com, le LVMH Innovation Award 2019, lors du CEO Forum de Viva Technology, la grande conférence annuelle des technologies à Paris. Fondée en 2016, VivaTech, comme on l'appelle souvent, a été lancée par l'agence de publicité Publicis et le groupe Les Échos, racheté par le groupe Arnault en 2008.

« Cette année, le succès de l'événement a dépassé nos attentes, avec plus de 100 000 visiteurs et entre 2 500 et 3 000 start-up. Mes félicitations vont à tous les membres de l'organisation. VivaTech en train de devenir l'un des rendez-vous les plus importants du monde dans le domaine de la technologie », s'est réjoui Bernard Arnault.

À l'intérieur du Parc des Expositions, au sud de Paris, VivaTech abritait également le Luxury Lab de LVMH, un espace de 500 mètres carrés aménagé comme un pavillon du 19e siècle, orné de treillages et de mousses suspendues. Les visiteurs ont pu y découvrir les fameux sacs en toile futuriste de Louis Vuitton dotés d'écrans OLED flexibles intégrés dans le design.


Les nouveaux sacs en toile futuriste de Louis Vuitton, dotés d'écrans OLED flexibles


« Aujourd'hui, les start-up que nous présentons illustrent les valeurs de notre groupe : la créativité, l'innovation. Chaque start-up incarne l'idée même d'innovation et le principe fondamental de LVMH : la qualité. Pour une start-up, la qualité, c'est la clé du succès. Rappelons que le rôle de la start-up n'est pas de le rester trop longtemps... mais de devenir à terme une grande entreprise. C'est l'exécution qui fait la différence. Ici, à VivaTech, on repère souvent des idées similaires, qui, au bout de trois à cinq ans, n'en sont pas au même stade de développement, et ça dépend de la qualité de l'exécution. À mon avis, la troisième qualité la plus importante est l'esprit d'entreprise. Notre groupe s'est toujours construit en capitalisant sur ses 70 sociétés, dont chacune est dirigée par un entrepreneur, et je dis toujours que chacun doit agir comme s'il était né dans l'entreprise », a souligné Bernard Arnault, devant un public de jeunes entrepreneurs de la technologie, entouré d'un tel nombre de dirigeants de LVMH qu'on se serait cru dans une deuxième assemblée générale annuelle des actionnaires.

« J'investis dans la technologie depuis les années 1990. Nous sélectionnons et poussons deux membres de notre famille à nous communiquer leurs idées avant de les aider à prendre des décisions au sein du groupe... LVMH est plus qu'une entreprise, c'est une famille », a-t-il expliqué dans un anglais très fluide, teinté de son accent inimitable.
 
L'écran flexible des sacs Louis Vuitton est fabriqué par une société avec laquelle Bernard Arnault travaille depuis de nombreuses années ; d'ailleurs, selon le président de LVMH, la réalité augmentée et l'intelligence artificielle seront à l'avenir des moteurs essentiels de l'industrie du luxe. « Comme vous le savez, il est plus difficile d'évaluer la qualité d'un produit sur son téléphone. Il s'agit donc de faire le lien entre l'écran, le magasin et le client », explique-t-il.
 
Le LVMH Innovation Award n'est pas doté d'un prix en espèces, mais les 30 participants auront tous accès au réseau technologique du groupe à la Station F, son pôle high-tech situé dans une ancienne gare de l'est parisien. Quant au lauréat, il pourra mettre à contribution l'ensemble des équipes de LVMH dans le monde pendant un an.

L'heureux gagnant du prix, Vadim Rogovskiy, fait partie d'un trio d'entrepreneurs ukrainiens à la tête de 3DLook, dont le petit stand a été décoré d'une bannière quelques minutes après la remise du prix. L'outil technologique de la start-up permet à n'importe quel individu d'obtenir une morphologie exacte de son corps, en prenant deux photos de lui-même - une de face et un profil - et en précisant son poids. Une solution idéale pour réduire les retours des consommateurs qui renvoient leurs commandes après avoir choisi la mauvaise taille.

« À l'origine de 3DLook, il y a mon envie de résoudre le problème des retours de vêtements achetés sur Internet en m'appuyant sur les nouvelles technologies. Depuis que nous avons commencé, il y a trois ans, nous avons attiré plusieurs grands clients, de Nike à l'une des plus importantes enseignes de fast fashion mondiales. Notre mission : proposer une véritable personnalisation dans le commerce de détail, en permettant un échange de données transparent entre les consommateurs, les marques et les détaillants. Et en réduisant les retours, on limite du même coup la production de déchets », a déclaré le lauréat du prix.


Le stand de la start-up3DLook a été décoré d'une bannière quelques minutes après la remise du LVMH Innovation Award


Depuis sa première édition, VivaTech a pris de l'ampleur : il s'agit aujourd'hui d'un événement majeur pour le secteur des nouvelles technologies. Emmanuel Macron l'a visité jeudi pour la troisième fois, exhortant les jeunes entrepreneurs à concurrencer les entreprises américaines et chinoises.
 
« Continuez à vous battre pour vos projets, on est avec vous malgré tous les grincheux », a déclaré le président, en faisant apparemment référence au mouvement des gilets jaunes, avant de défendre sa politique en faveur de l'économie et de noter que les entreprises technologiques françaises vont lever près de 5 milliards d'euros en 2019.

En privé, Emmanuel Macron a également rencontré Jack Ma, le patron d'Alibaba, dans le cadre de cet événement géant qui a déjà attiré par le passé de grands noms de la technologie, comme Marc Zuckerberg et Dara Khosrowshahi.

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