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Smalto : l'inquiétante perte de vitesse

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1 avr. 2019

Après la valse des créateurs, c’est au tour de la direction de Smalto de tanguer avec le départ de sa PDG, Agnès Sarah Espinasse. La dirigeante était arrivée en octobre 2017 à la tête de la griffe de menswear française « pour relancer cette belle endormie ». Au bout d'un peu plus d’un an, elle jette l’éponge, comme l’avait fait son prédécesseur, Bernard Flobert, resté en poste à peine trois ans.


Le tailleur a vu ses ventes s'effondrer en quelques années - smalto.com


Un porte-parole de la maison a confirmé à FashionNetwork.com qu’Agnès Sarah Espinasse ne faisait plus partie de l’entreprise. Elle a été remplacée par Ludovic Dauphin, un contrôleur de gestion issu du secteur de l’immobilier, proche collaborateur d’Alain Dumenil, principal actionnaire de la maison. Ce dernier a racheté l'entreprise auprès du fondateur, Francesco Smalto, lors de son retrait des affaires en 2001. Le couturier est décédé en 2015. Ludovic Dauphin sera épaulé par Valérie Tondon-Durbecq, consultante en mode et luxe, qui s’occupait auparavant des collections et devient directrice générale déléguée.

En trois ans, le tailleur français a changé pas moins de trois stylistes, passant d’Eric Bergère à Franck Boclet et enfin à Jean Luc Amsler, qui a présenté en janvier une première collection capsule. Cette situation instable témoigne de la profonde crise que traverse l’entreprise depuis quelques années. Elle n'arrive pas à se relancer et voit son activité se réduire inexorablement.

Lors de son exercice clos fin mars 2012, la maison créée en 1962 par Francesco Smalto, qui habillait princes, chefs d'Etat, acteurs et sportifs, affichait un chiffre d’affaires de 25,4 millions d’euros et dégageait un bénéfice. Au terme de son exercice 2013-14, l'activité est passée dans le rouge. Selon les comptes publiés pour son exercice décalé clos fin mars 2018, Francesco Smalto International a enregistré un chiffre d’affaires de 5,5 millions d’euros et essuyé une perte de 4 millions, contre un chiffre d'affaires de 8,4 millions et une perte de 6,2 millions l’année précédente.

Les effectifs sont passés de 59 personnes à 40 en à peine un an, tandis que son réseau de distribution a radicalement fondu. Aujourd’hui, la marque est distribuée à travers ses deux boutiques en propre à Paris, rue François-Ier et à Bordeaux, un magasin en franchise à Casablanca, ainsi qu’une poignée de revendeurs entre la Russie, la Jordanie et la France. Elle peut compter encore sur une clientèle couture, qui là encore s’est beaucoup réduite.

La marque, qui a toujours un contrat avec l'équipe de France de football, qu'elle habille avec ses costumes pour les occasions officielles, devrait lancer en 2019 une ligne de sous-vêtements et de valises sous licence.


La griffe peine à se relancer - smalto.com


Si Smalto n’a pas réussi à renouer avec ses fastes d'antan, c’est certainement par manque de moyens, mais aussi de compétences. Les figures clés de la maison sont parties et il n’y a pas eu de recrutement pour créer de nouveaux leviers de croissance, tels que le digital, la clientèle chinoise, les milléniums. Sans compter la mauvaise conjoncture, qui n’a pas manqué d’affecter l'entreprise.

« Cela fait dix à quinze ans que la société se délite. Elle a subi une perte de clientèle terrible ces dernières années. Faute de ressources, son activité est devenue microscopique. En fait, elle n’existe que par le soutien financier de son actionnaire », nous indique une source proche de l’entreprise.

Un actionnaire pour le moins ambigu, dont la réputation sulfureuse ne manque pas de faire de l’ombre au tailleur, comme en témoignent les multiples affaires dans lesquelles se trouve impliqué Alain Duménil. Ancien banquier qui a opéré aussi dans l’aéronautique, ce financier spécialisé dans l’immobilier et dans le rachat de marques de luxe a notamment été condamné en 2012 pour complicité de banqueroute dans la faillite de Stéphane Kélian en 2005 et fait l’objet d’une mise en examen dans une affaire impliquant la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Récemment, L’Obs est revenu sur les largesses accordées par Alain Duménil à des personnalités politiques, dont Jack Lang, qui a bénéficié de nombreux costumes Smalto en guise de cadeaux.

Au-delà de Smalto, l’homme d’affaires a pu compter à un moment dans son portefeuille de nombreuses griffes, dont Jacques Fath, Emmanuelle Khan, Jean-Louis Scherrer, Louis Féraud, le joailler Poiray, Harel, Stéphane Kélian ou encore les souliers René Mancini. Certaines ont été cédées, d’autres mises en sommeil ou fermées…

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