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Philippe Thirache (Gémo): "La priorité est que les équipes se réapproprient leur lieu de vente"

Publié le
7 mai 2020

Confrontée comme toutes les chaînes de mode à la fermeture de son réseau à la mi-mars, Gémo a préparé un plan de bataille pour le déconfinement le 11 mai. Date à laquelle Philippe Thirache, son directeur général, souhaite que les 440 magasins aient relevé leur rideau, en mettant en place des mesures drastiques (limitation des clients, aucun essayage) et des nouveaux services (drive sans contact en préparation). Celui qui a pris son poste fin 2019 après avoir œuvré chez Kiabi et La Halle confie à FashionNetwork.com sa stratégie de réouverture et ses prévisions d'activité pour les mois à venir.


Philippe Thirache a remplacé Hubert Aubry à la direction générale de Gémo en novembre 2019. - DR


FashionNetwork.com : Comment avez-vous anticipé la réouverture des commerces le 11 mai?

Philippe Thirache : Nous sommes sur le pont depuis deux mois, avec une cellule de crise qui a pensé et adapté les étapes de la reprise d'activité au fur et à mesure, selon les données du gouvernement et les attentes sanitaires. Nous souhaitons dès le départ ouvrir tous nos magasins, certaines autorisations préfectorales sont encore en attente. Mais tout le matériel de protection a été réceptionné il y a quinze jours puis acheminé en point de vente. Le personnel se prépare : nous avons commencé par rouvrir l'entrepôt la semaine dernière, tandis que les directeurs de magasin sont revenus en magasin le 5 mai, suivis par le personnel de vente le lendemain.

FNW : Quelles sont leurs tâches cette semaine, sans clients ?

PT : Les conseillers de vente ont été à l'arrêt pendant près de 7 semaines, mais nous sommes restés en contact avec eux. 90 % des effectifs vont reprendre : ceux qui sont fragiles ou face à un problème de garde d'enfant resteront chez eux. L'entreprise a eu recours au chômage partiel pour une grande partie des salariés, et a bénéficié d'un prêt garanti par l'État, pour assurer financièrement des périodes de réachat.

La priorité est que les équipes se réapproprient leur lieu de vente, et qu'ils soient formés aux gestes barrière et à la nouvelle organisation mise en place. Les salariés ont reçu un kit personnel contenant masques et gel. La mise en place des collections est aussi organisée, puisqu'au moment de la fermeture en urgence à la mi-mars, les magasins abritaient une offre de début de printemps.

FNW : Modifiez-vous les horaires d'ouverture des magasins ?

PT : Oui, ils seront adaptés, et donc légèrement réduits, mais on ne souhaite pas non plus concentrer le trafic. L'amplitude d'ouverture sera de 10h30 à 19h, soit 1h30 de moins qu'à l'ordinaire. Une pause midi sera étendue pour que les équipes du matin et de l'après-midi puissent se croiser sans problème.

"On ne s'attend pas à un pic de visites au redémarrage"



FNW : Comment allez-vous limiter le nombre de clients en point de vente ?

PT: Nous sommes partis sur un ratio de 7 à 8 mètres carrés par client. Ce qui correspond à une jauge maximum de 200 personnes pour un espace de vente de 1.500 mètres carrés. On ne s'attend pas non plus à un pic de visites au redémarrage. Il faut que les clients soient à l'aise. Dès l'entrée, des affiches préciseront la conduite à tenir en magasin, avec un balisage défini. Le masque pour le client n'est pas obligatoire, nous préférons insister sur le respect de la distanciation et des gestes barrière. L'idée n'est pas de mettre nos équipes en position de gendarme, mais plutôt d'accompagnateur.


Exemple d'affiche qui sera fixée dans le point de vente - Gémo


En magasin, la circulation sera guidée : en fait, nous fonctionnons déjà avec un parcours textile puis chaussure, avec un circuit comme le fait Ikea. En revanche, pas d'essayage en cabine pendant au moins 15 jours, même si nous avons déjà tout le matériel de nettoyage pour cette partie. Le délai de retour des produits a aussi été augmenté, et les articles retournés seront mis automatiquement en quarantaine pendant 24h, dans l'espace cabines justement. Un achat massif de thermomètres (deux par magasin) a aussi été anticipé, mais ils ne sont pas autorisés pour le moment. On sera prêt si besoin à mettre en place un dispositif de prise de température.

FNW : Et pour les transactions ?

PT : Le paiement sans contact en dessous de 50 euros sera privilégié, c'est d'ailleurs un montant légèrement supérieur au panier moyen chez Gémo, donc cela devrait concerner la majorité des achats. En caisse, des plexiglas vont être installés, et les vendeurs pourront porter masque et/ou visière de protection.

FNW : Quelle reprise planifiez-vous, et ce jusqu'à la fin de l'année ?

PT : On ne s'attend pas à un rush immédiat... Le mois de juin sera plus crucial. Gémo envisage un recul d'activité de 50 % en mai, puis de 30 % le mois suivant. On espère ensuite une reprise plus 'normale' à la rentrée des classes, et c'est pour cela que nous souhaiterions que les soldes - qui vont être reportés - se terminent au plus tard au 15 août, afin de ne pas empiéter sur le temps fort commercial de septembre. Si en juillet et août, on parvient à se rapprocher des -10 % de baisse des ventes, on peut espérer un second semestre correct, de l'ordre de -5 % sur cette période, avec un mois de décembre 2020 qui reviendrait au niveau de l'année précédente. Cela donnerait un bilan 2020 en chute d'environ 30 % (Gémo a généré 849 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019, ndlr).

"Un déstockage des collections de printemps à la réouverture"



FNW : Allez-vous recourir aux promotions massives dès la réouverture ?

PT : Les stocks sont très hauts. Nous sommes en train d'implanter le plein été, donc nous allons commencer par un déstockage des collections de printemps à la réouverture, pour que le 20 mai, le plein été soit bien implanté en magasin. Nous ne souhaitons pas pousser au déstockage absolu, mais on reprendra les promotions fin mai pour la collection estivale autour d'une opération de rabais sur les robes.


Le plus récent concept magasin de Gémo, dévoilé fin 2018 à Basse-Goulaine (Loire-Atlantique). - FashionNetwork


FNW : Quelle stratégie e-commerce avez-vous suivie pendant la crise ?

PT : Nous avons maintenu notre site marchand mais pas cherché à activer les achats, il n'y a par exemple pas eu de promotions en ligne. Nous avons plutôt souhaité apporter du service aux clients, dont les enfants ne se sont pas arrêtés de grandir pendant le confinement : le coût de la livraison a été supprimé quelque soit le montant du panier. C'est moins rentable, mais ce n'est pas grave. Nos ventes web ont augmenté de 125 % du 16 mars au 30 avril, et 70 % de ces achats concerne le segment enfant/bébé.

Nous allons poursuivre en introduisant un service de "drive" sans contact où le client viendra récupérer sa commande web sur rendez-vous, sans entrer en magasin. En fait, il y a aura deux types de consommateurs : ceux qui reprendront leurs achats comme avant, et ceux qui seront hyper prudents. Nous devons les servir tous les deux.

Rester actif en e-commerce nous a aussi permis de garder le lien avec les clients. L'initiative 'Coup de Pouce' a été lancée, pour apporter des animations et créer une communauté avec des jeux ou des recettes... Un enjeu plus émotionnel que transactionnel. Une boutique virtuelle a aussi été créée sur le jeu vidéo Animal Crossing. Tout cela participe de la future image de marque de Gémo que nous allons présenter dans quelques mois.

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