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4 janv. 2023
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Netflix, Prime Video, Disney+... Quel avenir commercial pour les marques sur les plateformes de streaming?

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4 janv. 2023

La troisième saison d'Emily in Paris, sortie le 21 décembre 2022, est l'occasion pour Netflix de multiplier les collaborations avec des marques de mode et les placements de produits. Disney+ a de son côté annoncé début novembre son projet de vendre, directement via sa plateforme de streaming, les produits dérivés de ses films et séries. Chemin que souhaiterait prendre aussi Netflix, qui vient déjà d'introduire des publicités dans son offre. Lié à la marketplace Amazon, le cas de Prime Vidéo pose des enjeux différents, mais un objectif similaire: trouver les clés pour, à terme, proposer aux marques publicités, placements de produits et, un jour même, ventes directes de produits via leurs flux vidéo.


Shutterstock


"Quand nous gagnons un Golden Globe, cela nous aide à vendre des chaussures, et cela se produit de façon très directe", expliquait en 2016 Jeff Bezos, lorsque le fondateur d'Amazon était interrogé sur la stratégie de Prime Video. Six ans plus tard, le marché de l'offre "à la Netflix" s'est densifié avec les apparitions d'Apple TV+, HBO Max ou Hulu.

Après l'arrivée d'un nouvel acteur de poids, Disney+, c'est la question de la rentabilité de ces plateformes qui guide désormais les réflexions et ambitions marchandes de ces plateformes.

Déficitaire, Netflix a annoncé l'arrêt ou annulation de dix-sept séries en 2022, tandis que les saisons ont tendance à se raccourcir pour les shows restants. A la faveur de hausses de tarifs et du lancement d'une offre à bas coût incluant pour la première fois des publicités, la plateforme aurait perdu près d'un million d'abonnés sur le seul deuxième trimestre 2022.

Également déficitaire, Disney+ opte aussi pour un relèvement de ses tarifs et espère générer des profits en 2024.
Mais comment? En développant le commerce en ligne, a indiqué cet été Disney+, un an après que Netflix a lancé son propre portail de vente.

Et, comme pour Netflix, cette plateforme commerciale Disney+ sera, dans un premier temps du moins, réservée aux produits liés aux licences maison (Disney, Pixar, Marvel, Star Wars, 21st Century Fox…). Est même évoqué un modèle d'abonnement de type premium ouvrant une palette de services et avantages exclusifs, à la façon d'un compte Prime d'Amazon ouvrant l'accès à Prime Video. Il est déjà possible aux abonnés américains d'utiliser leurs comptes Disney+ pour se connecter sur la boutique en ligne Disney. Mais ce n'est là qu'une première étape.


Sans attendre une boutique sur Disney+, le site marchand de Disney fait déjà cohabiter programmes de Disney+ et produits associés - shopdisney.com


Dans un futur proche, c'est durant le visionnage de programmes que les utilisateurs devraient, via un QR apparaissant à l'écran, se voir proposer d'aller sur les pages d'achat de produits dérivés du show en question. Et ce ne serait là qu'une des pistes actuellement étudiées pour intégrer un service e-commerce dans le streaming.

"L’accès privilégié à cette sélection de produits est le dernier exemple en date des nombreuses pistes que nous expérimentons en vue d'améliorer l’expérience des utilisateurs sur Disney+", confiait ainsi la présidente de Disney+, Alisa Bowen, début novembre, à l'occasion d'un test mené à l'approche des fêtes. Un test de viabilité qui s'adressait, en creux, à de futurs annonceurs extérieurs. Pour l'heure,
Nike, Crocs, Coach Harveys, Pandora, Kate Spade, Danielle Nicole ou Native comptent parmi les nombreuses marques partenaires proposées sur le portail de vente ShopDisney.com... où les renvois aux films et séries Disney+ correspondant à chaque produits sont omniprésents.

Achat immédiat et placement de produits



Il faut dire que cette possibilité d'acheter en quelques clics depuis le visionnage d'un programme est de longue date un fantasme de département commercial. Déjà lors de l'arrivée des plateformes de replay des chaînes de télévision, nombreux sont ceux qui avaient travaillé à proposer cette option aux annonceurs. Des annonceurs alors plus difficiles à trouver, à l'heure où les plus jeunes consommateurs se détournaient de la télévision pour Internet.


Robe Giambattista Valli (collection couture automne 2021) sur l'affiche de lancement de la saison 3 d'Emily in Paris - Netflix


C'est sur Internet justement que les plateformes vidéo trouvent leurs premiers concurrents: les réseaux sociaux. Ceux-ci travaillent d'arrache-pied depuis des années, avec des fortunes diverses, à trouver la bonne formule pour le "social commerce". Désormais patriarche des plateformes de vidéos en ligne, Youtube a de longue date exploité les algorithmes de sa maison mère Google pour pousser auprès des spectateurs des produits liés aux contenus qu'ils regardent.

Un placement produit qui s’affine



Axe commercial d’importance pour les plateformes de type Netflix,  les placements de produits dans les programmes ne cesseraient de grimper, et auraient tutoyé les 27 milliards de dollars de revenus au niveau mondial sur le seul exercice 2022, selon PQ Media. Emily in Paris est à ce titre devenu un véhicule de choix pour les marques luxe et premium. La troisième saison de la série Netflix marque notamment la mise en avant remarquée de pièces Barbara Bui, Giambattista Valli, Leonard Paris, Skorpios, Dinh Van ou encore Livystone.


Dans Emily in Paris, durant un épisode où l'héroïne travaille sur une campagne pour la marque AMI, le logo de celle-ci s'invite sur des montgolfières - Netflix


Une source de revenus qui, associée à une place de marché, permet par ailleurs de mettre à profit les dernières technologies de virtualisation des produits: selon le pays ou la typologie de spectateurs, le héros d'une série peut désormais se mettre à arborer des marques différentes. Et pourquoi pas, à terme, en fonction de l’âge et des goûts des abonnés.

Programmes collaboratifs avec les marques



Pour Netflix, une nouvelle étape vient d’être franchie. La plateforme de streaming commence l’année 2023 en proposant un programme télévisuel de sport développé avec Nike, dont le logo est logiquement immanquable durant les exercices. Une porte ouverte vers un nouveau type de partenariat pour la plateforme américaine, qui n’avait cependant pas attendu pour multiplier les collaborations avec des marques prestigieuses.


Le programme de séances de sport proposé sur Netflix par Nike. - Netflix


Pour Netflix, réside peut-être dans ces collaborations la promesse d’une rentabilité rêvée. Et pour les marques, la plateforme est l'occasion d'aller au contact de nouveaux publics. Et ceci jusque dans le monde physique. Ce qu'illustrent notamment des boutiques éphémères thématisées aux couleurs de films et séries. Un concept-store Stranger Things est ainsi passé de la célèbre avenue parisienne des Champs-Elysées à Miami et Dallas en 2022.

Nike, H&M et Levi's avaient ainsi largement communiqué en 2019 sur leur collaboration avec la série Stranger Things. En 2021, c'est Olivier Rousteing qui contribuait à une collaboration entre Balmain et le film Netflix The Harder They Fall. Selon nos informations, une marque française de sportswear haut de gamme se préparerait à annoncer une collaboration avec cinq des shows les plus en vue de la plateforme.


Le "Bal de la Reine", une tournée d'événements organisés autour de la série Bridgerton,


La série La Chronique des Bridgerton, qui a eu droit à son pop-up chez Bloomingdale's à New York, et aurait un impact démontré sur les recherches de pièces et motifs sur Internet, donne elle lieu à une tournée internationale de bals théâtralisés, où sont notamment mis en scène des produits de marques inspirés par la série. Avec comme partenaire le British Fashion Council (le Conseil de la mode britannique) pour la création des costumes, la série a notamment donné lieu à des collaborations avec l'enseigne de mode jeune Stradivarius, les souliers Malone ou les cosmétiques Beekman 1802.

Prouver que le modèle fonctionne



Reste que, derrière ces collaborations, le streaming vit un moment charnière. Après la multiplication des concurrents, l'heure est à une rationalisation qui pourrait faire fuir des spectateurs, désormais habitués à l'absence de publicités sur ces plateformes et acceptant mal les récentes hausses de prix.

En y associant ses plateformes annexes Hulu et ESPN+, Disney+ aurait compté 235,7 millions d'abonnés fin 2022
, contre 223 millions pour Netflix. Prime Video revendique de son côté plus de 200 millions d'abonnés au programme Prime d'Amazon.

Un cas Amazon naturellement à part, Prime Video n'étant qu'une extension d'une place marchande. Avec néanmoins là encore le défi de trouver le bon équilibre concernant les ponts à créer entre visionnages et actes d'achat. Reste qu'Amazon semble profiter d'un avantage sur ses concurrents: un abonné Prime dépenserait en moyenne chaque année 1.400 dollars sur la plateforme, contre 600 dollars pour les autres. En s'adressant à un spectateur de Prime Video, une marque ciblerait donc les clients les plus à même de dépenser chez elle.


La boutique de Netflix propose une recherche de produits par série/film, marques et artistes - Netflix.shop


En face, Disney+ et Netflix avancent à pas de loup, se concentrant encore pour l'heure sur les produits dérivés de leurs films et séries maison. Disney part avec un avantage, à savoir les réseaux historiques de développement et production de ses produits dérivés. Les licences Disney, Pixar, Marvel et Star Wars sont en effet de longue date bien établies, du monde du jouet jusqu'à celui des objets de collection pour adultes. Le cas Netflix, pur producteur et diffuseur audiovisuel, est quant à lui plus délicat. Il lui reste à prouver, dans la durée, sa capacité à connecter marques et consommateurs potentiels. Et peut-être se muer en plateforme de vente.
 

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