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Paul Kaplan
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10 févr. 2022
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Marc O'Polo: refonte d'une icône scandinave

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Paul Kaplan
Publié le
10 févr. 2022

Marc O'Polo, qui vient de faire son grand retour au salon CIFF (Copenhagen International Fashion Fair) après 11 ans tout en présentant pour la première fois sa collection au Pitti, est l'exemple d'une marque qui a réussi à renouveler son produit et son image tout en s'orientant vers un projet plus durable.


Le stand de Marc O'Polo au CIFF 2022 - Photo : Marc O'Polo


Fondée à Stockholm, la marque est aujourd'hui détenue par des Allemands et basée près de Munich. Ce qui ne l'a pas empêchée — dans le cadre d'un repositionnement tout en subtilité — de se rebaptiser en "Marc O'Polo est. in Stockholm". À cause de la sonorité du nom et de l'emploi du "O" — qui notifie l'ascendance masculine en gaélique —, une certaine confusion s'était installée au fil des ans quant à son lieu de naissance. Pour certains, il devait s'agir d'un nom italien, pour d'autres d'un label celtique.  

En réalité, la marque de mode a été fondée en 1967 par Rolf Lind, Göte Huss et Jerry O'Sheets, qui proposaient dans un premier temps des chemises en patchwork de cotons indiens. Le label s'est ensuite développé pour devenir une marque scandinave emblématique, privilégiant les matériaux naturels et mettant l'accent sur une vision authentique. C'est également à Marc O'Polo que l'on doit l'introduction du sweatshirt en Europe au début des années 1970, le faisant passer du statut de basique étudiant à celui d'incontournable de la mode.

À la fin du siècle, la marque a été progressivement rachetée par son partenaire de distribution en Allemagne, Werner Böck, dont le fils Maximilian est l'actuel PDG. C'est à ce moment-là que ses affaires ont explosé — avec un chiffre d'affaires annuel proche d'un demi-milliard d'euros — même si, ces dernières années, Marc O'Polo avait progressivement perdu son positionnement et son influence sur le secteur de la mode.


Le PDG de Marc O'Polo, Maximilian Böck - Photo : Marc O'Polo


Un déclin qui a mené à la restructuration de l'entreprise sous la direction de Maximilian Böck et de Susanne Schwenger, la responsable des produits. Et à la décision de retourner au Pitti — le salon le plus incontournable du secteur de la mode — pour y présenter une sélection de modèles plus contemporains et de vêtements écoresponsables, mais aussi au CIFF, le salon danois qui sert de vitrine à la mode scandinave. Pendant son séjour à Copenhague, la maison a également organisé dans son flagship local un cocktail baptisé "From the Land of Marc O'Polo". Marc O'Polo peut se targuer d'avoir compté parmi ses égéries l'acteur oscarisé Jeff Bridges, l'immense mannequin Amber Valletta, et dernièrement le mannequin allemand Anna Ewers. Mais aujourd'hui, l'accent est mis davantage sur les influenceurs et les communautés en ligne.

Les deux cadres se sont dits satisfaits des deux salons, en particulier du Pitti où l'absence de nombreux acheteurs américains, et de presque tous les acheteurs asiatiques, a été en partie compensée par la présence des grands magasins européens, comme Rinascente et Coin. La fréquentation du CIFF a été suffisante pour que Maximilian Böck confirme sa participation à la prochaine édition du salon, cet été. 

Sur son beau stand aéré au CIFF, la marque projetait fièrement une vidéo promotionnelle décrivant son partenariat avec Manteco, un fabricant de tissus toscan spécialisé dans le déchiquetage de vieux vêtements et leur re-filage, qui ouvre la voie à un recyclage textile potentiellement illimité. 

Leur dernière collection comprend de très belles parkas à carreaux Sherlock Holmes, des pardessus remarquables et des gilets à poches, des mini-bombers très élégants et des gilets/écharpes coupés dans des tissus violet impérial ou gris clair, ainsi que de jolies parkas mouchetées de fleurs.

À cette occasion, nous avons rencontré Maximilian Böck et Susanne Schwenger pour discuter de l'actualité de leur marque Marc O'Polo.


Susanne Schwenger, responsable produits de Marc O'Polo - Photo : Marc O'Polo


FashionNetwork.com : Comment résumeriez-vous l'ADN de Marc O'Polo ?

Susanne Schwenger : Nous sommes synonymes d'héritage, de décontraction scandinave et de développement durable, presque à 100%.

FNW : Qu'entendez-vous précisément par "développement durable" ?

SS : Devenir une marque vraiment durable, c'est un véritable voyage qui prend du temps. Mais nous l'abordons sur plusieurs fronts. Pour cette saison, au CIFF, nous ne présentons que des produits durables. Et pour le Printemps-Été 2023, nous ne créerons que des produits durables dans nos collections.
 
FNW : Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?

SS : Nous nous engageons régulièrement dans des projets spéciaux — à l'instar de notre collaboration avec le tisserand italien Manteco, l'une des entreprises textiles les plus durables au monde. Nous sommes très proches d'eux et c'est pourquoi nous avons réalisé ce film sur la façon dont le processus de recyclage se déroule au sein de nos deux entreprises.

FNW : Était-il important de remettre vos collections au goût du jour ?

SS : C'était vital. Nous avons commencé ce processus il y a trois ans. Nous voulions nous éloigner de la tendance actuelle et nous orienter vers une vision plus contemporaine — l'idée étant qu'on ne peut pas gagner la bataille si on reste trop proche du courant dominant. On finit par être obligé de baisser ses prix.


Marc O'Polo Automne-Hiver 2022 - Photo : Marc O'Polo


FNW : C'est vrai que vos prix sont plutôt élevés pour votre gamme de produits, non ?

SS: Je dirais au contraire qu'ils ne sont pas si élevés, mais plutôt justes. Chez quelle autre marque pourrez-vous acheter une laine recyclée, douce comme du cachemire, transformée en une super chemise pour 259 euros ? Je n'en connais pas.

Maximilian Böck : Nous proposons aussi des mailles à 99 euros et 129 euros. Nous aimons les prix commerciaux, mais nous souhaitons aussi proposer des produits innovants à un prix plus élevé. Travailler avec des fils innovants, cela fait partie de notre culture.

FNW : À quoi ressemble votre réseau de distribution mondial ?

MB : Actuellement, nous exploitons 2.600 points de vente dans le monde entier. Et nous possédons plus de 260 magasins monomarques, dont la moitié est gérée par des partenaires ou des franchises.
 
FNW : Et sur Internet ?

MB : Notre propre activité e-commerce représente 35% de notre chiffre d'affaires. Mais si nous prenons en compte le total des ventes en ligne, cette proportion atteint 40%, ce qui nous a beaucoup aidés pendant la crise.

FNW : Quels sont vos marchés les plus performants ?

MB : Nous sommes présents dans plus de 40 pays, mais nous réalisons la majorité de nos recettes dans la région DACH. Celle-ci représente 65% de notre chiffre d'affaires, ce qui nous laisse donc une grande marge de manœuvre pour nous développer à l'international. En Chine, nous avons un partenaire de licence avec 60 magasins et un site e-commerce, mais notre chiffre d'affaires y est encore modeste. Et nous ne sommes pas présents en Amérique, même si nous y expédions les commandes passées en ligne. Actuellement, nous étudions et analysons le marché américain.
 
DACH est le terme allemand qui désigne l'Allemagne (D), l'Autriche (A) et la Suisse (CH), avec une population commune de plus de 100 millions de personnes et un PIB de plus de 5000 milliards d'euros, ndlr.

FNW : Quel est le chiffre d'affaires annuel de Marc O'Polo ?

MB : Cette année, nous espérons 577 millions d'euros — notre objectif à terme, c'est un milliard d'euros par exercice. L'année dernière, il était de 450 millions. Donc, pour l'exercice fiscal qui se termine fin mai, nous prévoyons une croissance à deux chiffres. Et nous avons l'intention de croître de 13 à 15% au cours de l'exercice suivant.

SS : Notre clientèle est à 70% masculine et à 30% féminine. Mais c'est quelque chose que nous voulons changer, d'autant plus que la marque porte le nom d'un homme !


Le stand de Marc O'Polo au CIFF 2022 - Photo : Marc O'Polo


FNW : Quel est votre principal moteur de croissance ?

MB : Au cours des trois dernières années, nous avons engagé un changement de fond. Nous n'avons pas seulement transformé notre gamme de produits. Nous avons également revu la marque et l'approche marketing. Nous avons recruté des jeunes cadres dans l'entreprise et elle commence à s'épanouir.

FNW : Quel est votre bénéfice annuel ?

MB : Je ne le divulguerai pas. Nous sommes une entreprise privée, avec des prêts bancaires et aucun capital étranger.

FNW : Avez-vous pour projet d'ouvrir un hôtel ? Des acquisitions sont-elles prévues ?

MB : Non, et non. Nous ne disons pas jamais, mais notre stratégie ne consiste pas à nous développer par des acquisitions, mais de manière organique.

FNW : En développant de nouveaux produits ?

SS : Nous proposons quelques accessoires, des sacs à main, des lunettes et des sous-vêtements. Nous commençons à travailler sur un concept de parfum. Une licence complète ne nous conviendra probablement pas. Nous voulons avoir plus d'influence en imaginant un concept différent. Pas dans le genre de CK1, vendu dans toutes les parapharmacies pour 10 dollars le flacon. Non.

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