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La laine des Shetland menacée par la concurrence asiatique

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6 févr. 2006


Laine des Shetland
VIRKIE (Royaume-Uni), 6 fév 2006 (AFP) - Jadis, les habitantes des îles Shetland, à l'extrême nord de l'Ecosse, apprenaient à tricoter avant d'écrire. Aujourd'hui, leur savoir-faire risque de disparaître, alors que cette maille s'est transformée, face à la mondialisation, en produit de luxe.

La laine des Shetland a souffert de la compétition à bas prix des pays asiatiques et de l'apparition de nouvelles matières comme la "polaire".

Le premier alpiniste à atteindre le sommet de l'Everest, Edmund Hillary, en 1953, portait un Shetland. Mais les sportifs aujourd'hui préfèrent les matières polaires qui se lavent et sèchent facilement.

Deux gros fabriquants, Judane et L.J. Smith, ont ainsi fermé leurs portes ces dernières années. "Ils faisaient des pulls de laine unie faciles à imiter. Ils sont fabriqués dans l'île pour 60 euros, mais les Chinois fabriquent des imitations pour trois fois moins cher", explique un connaisseur.

Le chiffre d'affaires du secteur, qui n'emploie plus que quelque 150 salariés et moins d'un millier de tricoteuses qui travaillent chez elles, est passé de 4 à 2,5 millions de livres (6 à 3,7 M EUR) entre 1996 et 2003.

Les quelques marques qui résistent, aidées par une jeune génération soucieuse d'innovation, ont choisi le haut-de-gamme, l'authenticité d'un produit souvent fait ou fini à la main.


Une jeune créatrice des îles Shetland, Joanna Hunter, présente quelques uns de ses modèles
Photo : John D McHugh/AFP

"Nos clients sont des gens qui ont de l'argent et aiment la qualité, l'authenticité, les choses uniques. En prendre soin fait partie de l'attrait", explique Gary Jamieson, héritier d'une entreprise familiale qui existe depuis 1890 à Sandness, un village reculé à l'ouest des Shetland.

Les moutons noirs, bruns ou écru qui paissent en liberté partout dans ces îles dont les terres sont trop arides pour être cultivées, donnent une laine très chaude, solide et résistante, qui ne peluche et ne feutre pas.

Les maisons qui survivent, comme Shetland Collection ou Shetland Designer, fabriquent des tricots au motif "Fair Isle", du nom d'une île de l'archipel, un entrecroisement de mailles de plusieurs couleurs très difficile à imiter.

"Je ne souffre pas de la crise du tout", affirme Doreen Brown, fondatrice de Shetland Collection. "Mon problème est de fabriquer assez pour satisfaire la demande".

Ses pulls sont tricotés par des habitantes des Shetland qui travaillent chez elles.

"Je les paie ce qu'elles me demandent, par exemple 90 ou 100 livres (150 euros) pour un pull Fair Isle. Le prix n'est pas un problème. Les clients sont prêts à payer cher pour un produit fait à la main. Mon problème est de trouver des gens ici pour les produire", explique Mme Brown, dont le bureau et la boutique, à Virkie, sont attenants à sa maison, donnant sur un champ d'oies face à la mer.


Tonte d'un mouton - Photo : Joel Saget/AFP

Car le savoir-faire des Shetland, très réputé jusqu'au Japon, qui achète un tiers de la production, tend à se perdre, même si le tricot reste enseigné à l'école primaire, aux filles comme aux garçons.

Comme les femmes de sa génération, Doreen Brown a appris à tricoter avant même d'aller à l'école. Tricoter apportait un revenu d'appoint indispensable dans une île pauvre, avant l'arrivée de la manne du pétrole de la mer du Nord.

"Les femmes tricotaient en gardant leurs moutons. Nous vendions nos pulls ou les troquions contre des légumes. Nous avons tricoté pour nous offrir le chauffage central, tout ce qui n'était pas indispensable", explique l'historienne Elma Johnson.

Doreen Brown montre un châle de dentelle de laine à un fil, assez fin "pour passer à travers une alliance". Ou une couverture de baptême blanche dans la même dentelle délicate dite "de toile d'araignée", vendue 450 euros.

"Seules quelques personnes sur l'île savent faire cela et elles ont plus de 70 ans. Bientôt cela va disparaître", regrette-t-elle.

Par Catherine FAY de LESTRAC

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