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2 janv. 2023
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Encore chahuté en 2022, le secteur de la distribution mode en France se recompose

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2 janv. 2023

Après deux années secouées par la pandémie de Covid-19, le cru 2022 s'annonçait pour le marché français de la distribution mode comme le temps du rebond. Il ne s'est pas fait sentir pour tous les acteurs, et les conséquences de la guerre en Ukraine déclenchée en février dernier (coûts d'énergie et de transport en hausse, inflation…) pèsent clairement sur les marques et enseignes, qui redoutent déjà de voir leurs marges pressurisées en 2023. L'an dernier (de janvier à novembre 2022), le marché du textile-habillement (hors VAD) a bel et bien enregistré une hausse de 7% par rapport à 2021, selon l'Institut français de la mode, mais il s'agit toutefois d'un recul de 6,2% comparé à l'avant-crise en 2019. Retours sur les faits marquants qui ont émaillé l'année du secteur dans l'Hexagone.


Camaïeu


La déflagration Camaïeu



Impossible de débuter cet état des lieux sans évoquer Camaïeu. L'enseigne de mode nordiste fondée en 1984, qui fut le fer de lance de l'habillement féminin en France, a subi une liquidation judiciaire en septembre, entraînant la suppression de 2.600 postes, et laissant un vide dans le paysage tricolore avec la fermeture de plus de 500 magasins. En 2020, elle avait été reprise à la barre du tribunal par le groupe Hermione People & Brands (HPB), filiale de la Finanicère immobilière bordelaise (FIB) de Michel Ohayon. Un groupe qui se concentre actuellement sur l'avenir en suspend d'une autre enseigne acquise en 2021, à savoir Go Sport. Le 16 janvier, le tribunal de commerce de Grenoble doit statuer sur l'état des finances de la chaîne d'articles de sport, et sur un éventuel état de cessation de paiement qui pourrait déclencher un redressement judiciaire.

D'autre part, au terme d'une vente aux enchères très suivie, en décembre, le nom de marque Camaïeu (et uniquement cet actif) a été acquis par l'enseigne de mode masculine Celio pour un montant de 1,8 million d'euros. Au côté des actionnaires historiques Marc et Laurent Grosman, Sébastien Bismuth, le président de Celio, a l'ambition de faire renaître la marque, "connue et aimée de plusieurs millions de femmes". Rendez-vous pris pour 2024.

La galaxie mode de la famille Mulliez se disperse



En 2022, la famille Mulliez a cédé deux de ses enseignes de mode féminine, Pimkie et Orsay, et, du même coup, signé la fin de son groupe FashionCube dont les marques restantes (Jules et Brice, BZB, RougeGorge, Grain de Malice) évoluent désormais en solo. Longtemps très lucrative pour l'AFM (Association Familiale Mulliez) mais en perte de vitesse, l'enseigne Pimkie -ciblant les jeunes filles- a été cédée en fin d'année à un groupe de trois acteurs associés, à savoir le spécialiste de la chaussette Kindy, le licencié de Lee Cooper en France et le fabricant turc Ibisler Tekstil. On ne connaît pas encore leur feuille de route, mais un plan de restructuration est en préparation, avancent les syndicats: il pourrait porter sur la suppression de 100 boutiques et de 500 emplois.


Pimkie - DR


Des redressements judiciaires en cascade?



Outre Camaïeu, une poignée de marques de mode milieu de gamme à premium ont basculé en redressement judiciaire en 2022, ployant en fin d'année sous des difficultés aggravées par la crise sanitaire. C'est le cas de la chaîne de souliers San Marina (détenue par Stéphane Collaert), qui cherche un acquéreur, tout comme la marque francilienne Cop.Copine, dont la procédure a débuté le 7 novembre, et la griffe parisienne haut de gamme Roseanna (placée en redressement judiciaire un jour plus tard). La marque Symbiose (ex-Sinéquanone) a également eu recours à cette procédure, quelques mois seulement après sa relance.

Citons enfin la procédure de sauvegarde décidée en octobre à l'encontre de l'enseigne pour hommes et femmes Burton of London, propriété de l'homme d'affaires Thierry Le Guénic. D'autres procédures pourraient suivre en 2023, l'assureur Allianz Trade prévoyant en France une hausse du nombre de défaillances (tous secteurs confondus) de 29% par rapport à 2022. Après deux années de soutien aux entreprises fort de l'Etat durant lesquelles peu de procédures collectives ont été enclenchées, cette dynamique était anticipée, mais forcément crainte.

Changements de main en nombre



Dans l'Hexagone, le paysage de la distribution mode se remodèle aussi par le biais de rachats. L'an dernier, la pépite premium Ba&sh, créée en 2003 par Barbara Boccara et Sharon Krief, est passée sous le giron du fonds d'investissement européen HLD, qui entend pousser son déploiement à l'export. En outre, la marque féminine roannaise La Fée Maraboutée a été cédée par Silverfleet au fonds européen Capza; le spécialiste de la grande taille pour homme Size-Factory a rejoint le fonds LBO France; tandis que la lingerie Sans Complexe a été reprise par un groupe d'investisseurs mené par NextStage. A noter enfin les acquisitions successives par la famille Zouari des chaînes de déstockage Maxi Bazar et Stokomani, qui commercialisent entre autres des articles vestimentaires.

Concernant l'activité en ligne, le rachat du site Sarenza à Monoprix par Beaumanoir (Cache Cache, Bonobo, La Halle…) a marqué les esprits. Le groupe breton a procédé à cette acquisition dans l'optique de "compléter son savoir-faire". Ses enseignes profiteront de la vitrine en ligne de Sarenza, qui se donnera, elle, des relais physiques dans tout le pays.


Ba&sh



Naissance de nouvelles enseignes



Parmi les acteurs historiques du prêt-à-porter, certains font émerger de nouveaux formats pour apporter des réponses aux évolutions de la consommation mode. L'été dernier, l'enseigne de mode féminine Christine Laure a lancé Oduo, un concept multimarque et mixte ciblant les seniors, dont la première boutique a ouvert à Besançon. De leur côté, les équipes Kiabi ont mis sur pied l'enseigne Kidkanaï, uniquement centrée sur la seconde main dans l'univers de l'enfant. Un premier magasin a été inauguré près de Roubaix en novembre, sur 1.200 mètres carrés.


Intérieur du magasin Kidkanaï - DR


Les grands magasins repartent en croisade



Privés de leur clientèle internationale pendant la pandémie, les grands magasins français ont souffert et fait le dos rond, avant de reprendre de l'élan en 2022, en adaptant leurs points de vente aux demandes des consommateurs locaux et en captant le retour des visiteurs étrangers. D'ailleurs, c'est à l'export qu'ils ont annoncé de nouveaux projets: le Printemps a ouvert une antenne à Doha, au Qatar, en 2022, et s'implantera à New York en 2024, alors que les Galeries Lafayette viennent de révéler leur intention d'installer deux magasins en Inde en 2024 et 2025, tout en poursuivant leur campagne de développement chinoise.

L'incertitude plane sur 2023



L'année qui débute ne présente pas d'horizon clair aux distributeurs mode. La courbe de l'inflation ne semble pas s'inverser, contraignant le pouvoir d'achat de consommateurs plutôt enclins à épargner, alors que les marques comptent augmenter leurs prix de 5% en 2023 (après une hausse de 6% en moyenne en 2022), selon l'IFM. D'autre part, les conditions de financement se durcissent pour beaucoup d'entreprises d'habillement.

En décembre, lors du colloque annuel de l'IFM, Gildas Minvielle, le directeur de l'Observatoire de l'institut, décrivait des perspectives "incertaines". Selon ses mots, "le marché de la mode a changé. Le potentiel de croissance a été bouleversé mais cela ne doit pas être une obsession. Il faut continuer d'aller vers le moins mais mieux. L'écosystème français a des atouts. Il a su faire preuve de résilience, de solidarité et se réinventer durant le Covid. Il a la capacité de faire de même en 2023". L'avenir le dira.

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