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27 févr. 2023
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Burton of London: un PSE mais pour quel avenir?

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27 févr. 2023

Le couperet est officiellement tombé le 20 février pour Burton of London. Validé par la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) implique la fermeture ces jours d'un quart du parc de magasins et potentiellement de la moitié de celui-ci dans les six à douze prochains mois.


Thierry Le Guénic - DR



Selon nos informations un premier plan, proposé par la direction de l'entreprise en procédure de sauvegarde avait été retoqué, alors que plusieurs sources faisaient état d'échanges tendus entre direction et représentants des près de 450 salariés travaillant pour l'enseigne.

Au-delà des boutiques qui sont en cours de fermeture, Burton a listé un deuxième bloc de 36 magasins dans son PSE. Ceux-ci pourront, après une période de six à dix-huit mois, être maintenus s’ils restent rentables. Mais leur avenir s’oriente plus probablement vers une fermeture ou une reprise par un autre acteur. Trois magasins seraient déjà cédés, avance la direction, qui précise qu’elle a pris l’engagement de céder les magasins avec une reprise du personnel.

Contacté par FashionNetwork.com, Thierry Le Guenic, qui avait repris pour 1 euro l'enseigne au groupe Omnium en 2020, défend un projet qui doit selon lui permettre à l'enseigne de passer la période compliquée à laquelle sont confrontés les acteurs du milieu de gamme mixte. Pour le dirigeant, la fermeture des 26 magasins était une décision inévitable : "Je n’ai aucun plaisir à supprimer des postes, avance-t-il. C’est difficile de supprimer des emplois. Ce n’est pas le projet quand on reprend une entreprise. Pour moi, les salariés ne sont jamais une variable d’ajustement. Mais aujourd’hui, c’est aussi nécessaire car personne ne l’avait fait auparavant. Cela fait des années que ces magasins ne sont pas rentables, que Burton est déficitaire alors que le précédent propriétaire injectait 10 à 15 millions d’euros par an.".
 
Justement, depuis la reprise de Burton, syndicats et observateurs du secteur s’interrogent sur la stratégie de l’homme d’affaires qui compte aussi dans son portefeuille l'enseigne de mobilier Habitat, la griffe de mode Paule Ka, la lingerie de Lejaby et Orcanta ou les maillots de bain Rasurel.

Alors que le cas de la Financière immobilière bordelaise de Michel Ohayon, qui avait lui aussi repris à la barre du tribunal ou dans des accords de gré à gré Camaïeu, Go Sport ou la licence Gap France, défraie actuellement la chronique avec des milliers d’emplois supprimés ou menacés, de plus en plus de voix s’interrogent sur ce type de reprises.

"J’ai un peu de mal à entendre ces critiques. Je ne suis pas un vautour. Je ne suis pas un fonds d’investissement. Je n’ai pas fait fortune. Si je voulais pouvoir reprendre des entreprises, cela passait par ce type de reprises, répond Thierry Le Guenic qui figure toutefois dans le classement Challenges des 500 fortunes françaises. Et si des gens comme moi et d’autres n’étions pas là, ces entreprises auraient déjà disparu. Des acteurs viennent nous voir en disant ‘si on ne trouve pas un deal, l’entreprise va disparaître’. Sur le dossier Vivarte, si nous ne sommes pas là, il n’y a personne pour reprendre. Mais c’est extrêmement difficile. Car le boulot n’avait pas été fait pendant des années dans ces enseignes. Pour des questions de réputations, ces acteurs ne voulaient pas faire de PSE et préfèrent céder les sociétés plutôt que d’être confrontés à cela. Pour Burton, cela signifiait réinjecter 10 à 15 millions par an pour maintenir l’enseigne. Je n'étais pas à la place de l'ancien propriétaire, mais peut-être aurait-il mieux valu engager un véritable plan de restructuration comme nous le faisons aujourd’hui, puis injecter ces 10 millions par an dans la transformation. Mais c’est très difficile d’engager 200 suppressions de postes.".

Aux allégations d’opportunisme, l’entrepreneur veut répondre par une vision de tentative de sauvetage d’un navire en perdition. "Moi, je ne profite pas ! Je n’ai rien revendu pour l'instant et je n'ai pas liquidé les actifs, assène-t-il. Nous essayons de trouver des solutions, d’adapter ces entreprises aux nouveaux modes de consommation. Nous faisons un vrai job de transformation. Le facteur déterminant c’est que personne n'avait prévu cette crise de 2022-2023. Cela modifie tout de même grandement les paramètres d'analyses.".

Rendez-vous au tribunal fin mars



Le dirigeant, qui explique avoir rendez-vous au tribunal de commerce de Paris fin mars, pour faire valider la prolongation de la période de sauvegarde de l’entreprise, estime que Burton dispose des arguments pour convaincre: "Les prévisions financières montrent que c'est possible et nous pensons que cela va passer. Notre planification financière nous autorise à acheter la prochaine collection, et nous disposons d’un bloc de cessions qui est suffisamment valorisé pour faire face à nos engagements. Sur le périmètre de magasins en activité, la marchandise arrive dans les 15 jours". D’ici là, les stocks des 26 magasins qui ferment, vont être réalloués au reste du réseau, afin d’alimenter des rayons qui étaient ces dernières semaines très clairsemés.


Burton of London



Mais quel va être le plan de route avec le nouveau périmètre ?
 
La crise et la situation de sauvegarde de la société expliquent, pour le dirigeant, une enveloppe limitée pour les mesures d’accompagnement et de retour à l’emploi dans le cadre du PSE. Au grand dam des salariés qui reprochent aussi à l’entrepreneur de ne pas avoir apporté d’investissement dans l’entreprise depuis son arrivée. Celui-ci rétorque avoir négocié une enveloppe de 6,5 millions d’euros avec le précédent propriétaire. "La discussion avec les représentants du personnel a été difficile, admet le dirigeant. Je leur ai rappelé qu’il y a eu ce montant d’injecté. Il ne s’agit pas de personnaliser l’actionnaire, j’aurais pu être celui qui investit ce montant. Mais que comme l’entreprise n’a pas gagné d’argent depuis la question n’est pas tant de savoir où gagner des points de marge mais plutôt de transformer l’entreprise par rapport à ses forces.".
 
En réalité, Thierry Le Guenic entend continuer de déployer progressivement son concept multimarques Sauvage Poésie, qui compte selon l’entrepreneur quatre portes et une place de marché et va avoir deux entités supplémentaires, notamment un magasin Burton en conversion à Colmar. Mais le dirigeant entend surtout revoir totalement le business plan de Burton. D’abord, en dédiant la marque au masculin, en la faisant monter en gamme et en se focalisant sur l’offre de permanents et d’accessoires. Mais surtout en redéfinissant la mission de l’entreprise.

Transformation en société de gestion et développement de marques



Et le dirigeant de lister un réseau d’une quarantaine de boutiques qu’il entend rénover, deux plateaux de bureaux et une expertise logistique. "Nous allons changer la raison sociale. La société ne s'appellera plus Burton mais ce sera une société de prestations de logistique et retail pour des petites marques de mode, qui veulent se créer et se développer sur le marché français. Nous allons devenir une société de gestion et développement, intégrant des solutions logistique, retail et potentiellement digitale.". L'entreprise pourrait ainsi proposer à des marques étrangères de se tester dans un univers masculin premium, aux côtés notamment de Burton, dans son réseau de magasins, assurant leur distribution sur le marché français.
 
Thierry Le Guenic avance qu’un premier contrat logistique serait en finalisation. Reste que cette transformation prendra au moins un semestre et que le dirigeant s’appuie sur deux collaborateurs dans la structure qui chapeaute l’ensemble de ses marques. Alors qu’il explique "faire très attention et gérer très sérieusement ses affaires", ce collectif, que l’entrepreneur concède minimal, peut paraître limité pour relever ces challenges et convaincre des partenaires. D’autant que Thierry Le Guenic ne cache pas une volonté de "renforcer mon écosystème de marques et consolider mes positions sur les pôles premium luxe, en particulier dans la Food, décoration et équipement de la maison.".

Et selon l’entrepreneur, les dossiers qui lui sont proposés sont nombreux. Dans ce cadre, le scénario de Burton ne semble pas freiner les cédants. L’entrepreneur se targue même d’être contacté très régulièrement pour reprendre de nouvelles enseignes.

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