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Paul Kaplan
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13 juin 2019
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Birkenstock : visite guidée dans les usines de fabrication de Bernstadt et Görlitz

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Paul Kaplan
Publié le
13 juin 2019

Birkenstock a ouvert pour la première fois au public ses sites de production à Bernstadt et Görlitz. En levant le voile sur la fabrication des célèbres sandales en cuir et en liège de la marque, FashionNetwork.com présente la stratégie d'expansion du chausseur allemand et sa vision pour l'avenir.


Allemagne : chez Birkenstock pour une visite guidée de ses sites de fabrication - Birkenstock 2019


« Bernstadt n'est pas un trou paumé comme on pourrait être tenté de le croire », défend Jochen Gutzy, responsable de la communication de Birkenstock, auprès d'un groupe de journalistes. Ceux-ci, venus de 13 pays, ont été invités à s'immerger pendant deux jours dans ce centre névralgique du secteur. Ils sont les premiers à avoir accès aux sites de production de cette entreprise vieille de 245 ans.

Ce « trou paumé », niché au milieu de prairies herbeuses, se trouve à environ trois heures de route de Berlin. À 10 minutes à pied de la Pologne, Bernstadt et Görlitz abritent deux des quatre usines allemandes de Birkenstock. Les deux autres se trouvent à Sankt Katharinen, dans le Land allemand de Rhénanie-Palatinat, et à Steinau, en Hesse. Et Birkenstock exploite une cinquième usine au Portugal.

L'année dernière, 16 455 personnes travaillaient dans le secteur allemand de la chaussure, dont 4 253 pour Birkenstock. « Un quart de l'industrie travaille pour Birkenstock, en Saxe pour la moitié. En d'autres mots, Bernstadt n'est pas un trou paumé, mais le cœur battant de l'industrie allemande de la chaussure », poursuit Jochen Gutzy.

Bernstadt : là où naissent la doublure, la tige et la semelle des sandales Birkenstock

La visite commence sur le site de production de Bernstadt, opérationnel depuis 1991. Sur une surface de 2 000 mètres carrés, 600 personnes travaillent dont 450 pour la fabrication elle-même. Le site a plus que doublé ses effectifs depuis 2014.

Birkenstock y fabrique les matériaux utilisés pour la doublure de la tige et de la semelle de ses chaussures. 40 000 paires de doublures sont produites chaque jour et 90 000 paires de tiges (le dessus de la chaussure). Dans le premier hangar, une pile de cuir. Décliné dans des couleurs naturelles, mais aussi dans des tons bleu canard, rose et métallisé, le tout entreposé sur de hautes étagères. Chaque année, Birkenstock transforme le cuir d'environ 485 000 bovins.


À l'intérieur de l'usine de Birkenstock à Bernstadt - Birkenstock 2019

 
On accède ensuite à une zone consacrée au contrôle de la qualité, puis à un grand espace de stockage des boucles qui permettront de fermer les futures chaussures. À certains postes, les travailleurs marquent et coupent le cuir à la main, sans utiliser de machines. « Malgré toutes les nouvelles technologies dont nous disposons, nous ne voulons pas abandonner ce procédé parce que le cuir est un produit naturel et donc unique. Les machines ne sont pas aussi sensibles à l'aspect des peaux que l'œil humain », explique le cadre de Birkenstock pendant la visite.

Pour créer les semelles emblématiques de la marque, trois matériaux différents sont utilisés : le cuir normal, le daim et la microfibre. Une fois les doublures rognées, l'étape suivante consiste à y apposer le logo Birkenstock et la pointure de la chaussure.

C'est également à Bernstadt que l'entreprise produit ses tiges de chaussures. Le traitement complexe des matériaux s'effectue en sept étapes. Le poinçonnage, la numérotation, le gaufrage, l'affûtage, le nettoyage, l'agrafage et le contrôle final sont effectués par des ouvriers. Là encore, les machines ne peuvent pas remplacer l'acuité visuelle de l'humain.


Les cuirs sont empilés et classés par couleurs sur des étagères - Birkenstock 2019


Au final, 35 % de la tige est en cuir, 65 % en matière synthétique. Le traitement des fibres synthétiques se fait à l'aide de machines.

En tout, la fabrication d'une sandale comporte 80 étapes avant qu'elle soit prête à être expédiée. Le premier modèle de Birkenstock, le désormais célèbre modèle « Madrid », a été dessiné par Karl Birkenstock en 1963. Le modèle n'a guère changé au fil des ans : aujourd'hui, il reste l'un des produits les plus vendus de la marque.


Des éléments de la sandale Arizona avant assemblage - Birkenstock 2019


Stratégie d'expansion : « d'une entreprise axée sur la production à une entreprise axée sur le marché »

« La stratégie de vente de Karl Birkenstock a toujours été très directe, avec des produits vendus sur le marché ou directement aux particuliers. Mais le marché exige plus d'informations et des livraisons plus rapides », explique Klaus Baumann, directeur des ventes de Birkenstock, le deuxième jour de la visite de presse, au cours d'un événement à Dresde.

Il y a quatre ans, Birkenstock a lancé sa transformation afin de passer « d'une entreprise axée sur la production à une entreprise axée sur le marché », poursuit Klaus Baumann. L'accent traditionnellement mis sur la production est désormais porté sur la commercialisation.

« Depuis ce changement d'orientation, nous avons connu des taux de croissance énormes, autour de 20 % en moyenne depuis 2014. Au cours des cinq dernières années, nous avons connu une croissance totale de 150 %. Il y a dix ans, nous avions une capacité de production d'environ cinq millions de paires de chaussures. Aujourd'hui, nous avons une capacité de 30 millions de paires. »

Pour stimuler sa croissance internationale, Birkenstock a défini plusieurs régions afin de déplacer la fabrication au plus près de l'endroit où ont lieu les ventes. L'entreprise se veut plus proche des marchés, de ses consommateurs et de ses partenaires.

Actuellement, la marque vend ses produits dans environ 90 pays sur les cinq continents et exploite huit magasins en Allemagne. Elle a également installé des bureaux de vente aux États-Unis, au Brésil, en Chine, à Hong Kong, au Japon, au Danemark, en Slovaquie, en Espagne et au Royaume-Uni, ainsi qu'un bureau récemment ouvert à Dubaï.

« En tant qu'entreprise familiale, nous avons un plan d'expansion quelque peu conservateur. Mais la vente au détail est un circuit très important. Tous nos magasins sont rentables. Nous n'allons pas dans le même sens que certaines grandes marques et nous avons fait le choix de ne pas ouvrir 100 magasins dans le même pays. Notre stratégie est celle du marathon, pas du sprint », explique Klaus Baumann.


L'entreprise emploie quelque 4 000 personnes en Allemagne - Birkenstock 2019


Ce qui rend Birkenstock si spéciale, c'est que l'entreprise parvient à s'adresser à des secteurs très différents. Elle propose des chaussures pour des professions spécifiques - l'hôtellerie, la médecine -, jusqu'aux sandales portées par Frances McDormand aux Oscars en février dernier.

« Il est très important pour nous de répondre aux attentes de nos clients dans tous les secteurs. Ma mère se fiche qu'on collabore avec Valentino, elle veut juste une chaussure confortable. D'un autre côté, nous avons des clients influenceurs qui s'attendent à des surprises. C'est pourquoi nous avons lancé deux collaborations très excitantes, avec Valentino et Rick Owens, au cours des six derniers mois », s'enthousiasme Klaus Baumann.

Récemment, l'entreprise de chaussures a également lancé une ligne de lits et une collection de produits cosmétiques. L'accent mis sur le liège en tant que matériau, mais aussi sur la santé, le bien-être et l'aspect fonctionnel des produits relient toutes les offres de la marque.


Le liège est l'un des matériaux les plus importants de Birkenstock - Birkenstock 2019


« Birkenstock a des directives simples : la fonctionnalité, la qualité et le principe "la forme suit la fonction" », explique Yvonne Piu, directrice du marketing chez Birkenstock. « Mais la caractéristique la plus importante reste notre semelle. C'est Karl Birkenstock qui a inventé l'expression "assise plantaire" », ajoute-t-elle.

Görlitz : le plus grand site de Birkenstock, lieu de fabrication de la célèbre semelle plantaire

La semelle, qui fait partie à plein de l'image de la marque, est fabriquée dans la plus grande usine du groupe à Görlitz. Située dans cette charmante ville d'ex-Allemagne de l'Est, l'usine a ouvert ses portes en 2007 et s'étend sur près de 3 000 mètres carrés. Quelque 1 350 personnes y sont employées, dont 1 150 en production.


Birkenstock a créé l'expression assise plantaire - Birkenstock 2019


Outre le mélange de liège et de latex, les ouvriers de Görlitz fabriquent également des chaussures en éthylène-acétate de vinyle (EVA) et des semelles extérieures en polyuréthane (PU). Pour ce faire, 2 700 kilogrammes de liège et 12 000 litres de latex sont utilisés quotidiennement pour fabriquer 80 000 paires de semelles.

7,1 millions de paires de chaussures Birkenstock sont fabriquées chaque année en EVA, un matériau synthétique non toxique, dont la société est le premier producteur en Europe. Le processus de fabrication est effectué presque entièrement par des machines.

L'espace où sont fabriquées les semelles de l'entreprise accueille les visiteurs avec ce parfum si spécifique, devenu synonyme des sandales Birkenstock, mélange d'odeurs de liège et de latex.


Les semelles plantaires de Birkentstock sont fabriquées à Görlitz - Birkenstock 2019


Une jeune femme portant l'uniforme de l'entreprise, un tee-shirt bleu à logo, nous a décrit le procédé de fabrication de la semelle en liège et latex. Elle pose la jute, sourcée en Inde et au Bangladesh, sur une semelle amortissante. Puis elle ajoute le mélange de liège et de latex, en le façonnant à la main. La semelle est ensuite cuite au four à 80 degrés pendant 10 minutes et l'humidité excédentaire est asséchée en 24 à 48 heures par une seconde cuisson à 60-70 degrés.

Les semelles sont ensuite envoyées sur une des 14 machines de l'usine, où 125 à 170 paires sont assemblées toutes les heures par les employés. Enfin, la qualité de chaque chaussure est contrôlée manuellement par un spécialiste.

Un élément clé pour la pérennité d'une entreprise aux racines profondes. L'histoire de l'entreprise remonte à 1774. En 1896, le cordonnier Konrad Birkenstock ouvre deux magasins de chaussures à Francfort-sur-le-Main et commence à fabriquer des semelles plantaires. En 1925, Konrad Birkenstock fait l'acquisition d'une usine en Hesse et en 1945, son petit-fils, Karl Birkenstock, déménage à Bad Honnef, près de Bonn, où il transforme l'insert en liège flexible en semelle intérieure, plus solide.

Oliver Reichert et Markus Bensberg sont actuellement co-PDG du groupe Birkenstock, mais l'entreprise a été gérée par la famille Birkenstock jusqu'en 2013. Cette année-là, la structure de l'entreprise a changé : d'une chaîne de 38 sociétés individuelles, elle est devenue un groupe divisé en trois départements : la production, les ventes et les services.

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