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Paul Kaplan
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31 juil. 2019
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A Hong Kong, la violence des manifestations fragilise l'économie

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Reuters API
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Paul Kaplan
Publié le
31 juil. 2019

La montée en violence des manifestations à Hong Kong pèse de plus en plus lourd sur l'économie de la ville, l'une des destinations commerciales les plus dynamiques du monde.



Selon les économistes, l'impact économique des manifestations antigouvernementales des huit dernières semaines est déjà pire qu'en 2014 - quand la « révolution des parapluies » avait paralysé le quartier financier de la ville pendant 79 jours.

Car cette fois-ci, les manifestations ne se limitent plus à un seul quartier et la violence s'est intensifiée dans toute la ville, incitant les acheteurs locaux et étrangers à éviter certains quartiers. Plusieurs magasins et même quelques bureaux de banques ont été forcés de fermer pendant de longues périodes.

De nombreuses entreprises de cette ville portuaire installée sur la côte sud de la Chine étaient déjà fragilisées par le ralentissement économique de l'empire du Milieu et les conséquences de la guerre commerciale sino-américaine, qui dure depuis un an.

Plusieurs grèves sont prévues dans les semaines à venir. Les actions de désobéissance civile ont lieu presque quotidiennement et devraient se poursuivre pendant des mois. Mardi, des centaines de manifestants ont bloqué les services ferroviaires, causant un véritable chaos dans les banlieues de Hong Kong.

La principale organisation de détaillants locaux a averti ses membres qu'ils doivent s'attendre à une baisse à deux chiffres de leurs ventes en juillet et août. Le gouvernement devrait publier jeudi prochain les résultats des ventes du mois de juin.

« Le secteur du commerce de détail de Hong Kong sera affecté en interne, mais aussi à l'international », prévient Angela Cheng, économiste chez CMB International Capital Corporation Limited, avant d'ajouter qu'elle a revu ses prévisions de ventes au détail pour 2019 et d'évoquer désormais une baisse de 10 %, soit deux fois plus que son estimation précédente.

Le 23 juillet, le courtier CLSA a déclassé le joaillier local Chow Tai Fook, l'une des marques les plus populaires de la ville auprès des touristes du continent, précisant que les manifestations pourraient lui causer des dommages irréversibles sur le long terme.

Le groupe de luxe Richemont a averti que les manifestations ont nui à ses ventes en juillet, tandis que l'horloger suisse Swatch a déclaré que les turbulences politiques ont entraîné une baisse à deux chiffres de ses ventes à Hong Kong, l'un de ses marchés les plus importants à l'échelle mondiale.

Dans le quartier d'Admiralty, où se sont concentrées la plupart des manifestations, les employés de plusieurs restaurants et magasins ont déclaré lundi à l'agence Reuters que la clientèle avait diminué d'un tiers par rapport au mois précédent.

Business et sens moral

Bobby Tang, un vendeur de 21 ans dans un magasin Gucci du quartier commerçant de Causeway Bay, où des barricades ont été élevées pour la première fois dimanche, soutient le mouvement civil. Selon lui, le gouvernement n'a répondu à aucune des revendications du mouvement, qui s'articulaient à l'origine autour du retrait d'un projet de loi controversé sur l'extradition vers la Chine, avant de se transformer en une lutte démocratique beaucoup plus générale.

Mais Bobby Tang s'inquiète aussi pour son emploi chez Gucci. Avant les protestations, le magasin dénombrait un client par minute, explique-t-il. Mais aujourd'hui, en en compte seulement trois ou quatre par heure, et les ventes quotidiennes sont tombées de 100 000 à 20 000 dollars de Hong Kong (d'environ 11 500 à 2 300 euros). « Si les manifestations durent jusqu'en octobre, je m'inquiète pour mon salaire », confie le jeune vendeur.

Les centres commerciaux sont souvent utilisés comme des lieux de refuge et de repos pour les manifestants, qui portent des casques et des lunettes de protection, et parfois même des armes de fortune.

La plupart du temps, les manifestants sont respectueux des lieux. Sauf le 14 juillet, quand la police tentait de disperser la foule rassemblée dans le quartier ouvrier de Sha Tin, avant de poursuivre les émeutiers dans un centre commercial géré par Sun Hung Kai Properties, transformant le lieu en véritable champ de bataille. Des bagarres ont éclaté et le monde entier a pu assister à la panique des clients réguliers du centre commercial, chargés de sacs encombrants, perdant l'équilibre sur des flaques de sang. 

Le tourisme, en particulier en provenance de la Chine continentale, a chuté de façon spectaculaire. La Grande-Bretagne, le Japon, Singapour et d'autres pays ont émis des alertes officielles à destination de leurs ressortissants.

Selon la Fédération des syndicats de Hong Kong, le taux d'occupation des hôtels a baissé de 20 % en juin par rapport à l'année précédente et une chute de 40 % serait à prévoir en juillet. M. Yu, un directeur d'agence touristique qui n'a pas souhaité mentionner son prénom, explique qu'environ deux tiers de ses clients sur le continent ont annulé leurs réservations.


Le groupe de luxe Richemont a averti que les manifestations ont nui à ses ventes


Fitch Ratings a déclaré mardi que les troubles politiques pourraient nuire à la confiance des entreprises. L'agence de notation financière internationale a également souligné son inquiétude sur le long terme au sujet de l'inaction des responsables politiques et de l'érosion de l'Etat de droit.

La loi de 1992 autorisant Washington à imposer un régime douanier différent à Hong Kong par rapport au reste de la Chine continentale est cruciale pour la stabilité de la ville, sous contrôle chinois. Pour qu'elle soit maintenue, Hong Kong doit rester suffisamment indépendante de Pékin aux yeux des autorités américaines et, par conséquent, ces dernières examineront de très près la gestion des manifestations par le gouvernement chinois.

Selon la Chambre de commerce américaine, les entreprises internationales sont pessimistes quant aux perspectives à court terme à Hong Kong et le gouvernement devrait prendre des mesures immédiates pour s'attaquer aux causes profondes des manifestations.

« Les manifestations pourraient bien durer jusqu'à la fin de l'année. On risque même de passer à côté de la période de Noël », se lamente Mme Fung, assistante commerciale d'une entreprise de soins de la peau, qui ne nous a communiqué que son nom de famille.

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