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Paul Kaplan
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11 juin 2018
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Gucci resserre l'étau autour de ses fournisseurs

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Paul Kaplan
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11 juin 2018

Gucci, la locomotive du groupe Kering, internalise de plus en plus la production de ses collections. D'ailleurs, la plupart des marques de luxe redoublent d'efforts pour répondre à la demande fulgurante des consommateurs chinois, en raccourcissant et fluidifiant les process de fabrication notamment.


Gucci Croisière 2019 - Printemps-été 2018 - Paris - © PixelFormula


Gucci, qui s'est targuée cette semaine qu'elle pourrait un jour dépasser Louis Vuitton, le fleuron du groupe LVMH, et lui ravir sa place de première marque de luxe du point de vue du volume des ventes, a également exposé ses plans stratégiques pour réduire de moitié sa dépendance vis-à-vis des fournisseurs indépendants d'articles de maroquinerie.

Ces mesures interviennent à un moment où de nombreuses marques, comme Burberry au Royaume-Uni ou Louis Vuitton en France, cherchent à reprendre le contrôle sur leur production ou investissent pour accélérer leurs propres mécanismes en interne afin d'exploiter au mieux la reprise des ventes de produits de luxe.

Gucci, l'une des marques de mode qui a connu la plus forte croissance en 2017, à la suite d'un changement de cap esthétique haut en couleur, souhaiterait à long terme que 40 % de ses produits de maroquinerie soient fabriqués par des fournisseurs indépendants, contre 75 % aujourd'hui.

L'objectif de la marque italienne est de diviser par deux le délai entre la conception d'un produit et sa livraison en magasin, tout en protégeant sa propre capacité de production, afin de soutenir ses ambitieuses perspectives.

« Nous voulons réduire les délais de production ; ce n'est pas possible si celle-ci est dispersée entre plusieurs petits fournisseurs », explique son PDG, Marco Bizzarri, aux journalistes réunis sur le nouveau site « ArtLab » de Gucci en périphérie de Florence, où seront prototypés les prochains modèles de sacs et de chaussures de la marque. « Nous devons aussi nous assurer que les autres marques ne nous volent pas nos fournisseurs. Vu la croissance que nous connaissons, nous devons protéger nos artisans », a-t-il ajouté.

Historiquement, les marques italiennes travaillent avec un réseau externe de multiples artisans locaux pour réaliser leurs sacs à main, tandis que leurs consoeurs françaises Hermès et Louis Vuitton exploitent presque exclusivement leurs propres ateliers.

Gucci a racheté dix entreprises locales et s'apprête à faire de même avec dix autres - même si le grand changement d'internalisation de sa production devrait principalement consister à conclure des joint-ventures avec des ateliers externes ou à leur accorder des contrats exclusifs.

Ateliers familiaux

Si ces mesures n'ont pas pour finalité d'internaliser à proprement parler les ateliers concernés, elles permettront de stabiliser la production de Gucci, d'autant plus que de nombreux petits fabricants italiens sont particulièrement vulnérables. Certains sont « de minuscules ateliers, presque familiaux, qui ont du savoir-faire, mais sont souvent désorientés quand il est question de leur rentabilité ou de leur succession », explique Olivier Salomon, directeur général du cabinet de conseil Alix Partners à Paris.

D'autres marques très axées sur les produits en cuir, comme Prada à Milan, rencontrent également ces problèmes et envisagent d'internaliser une partie de leur production, notamment pour contribuer à former une nouvelle génération d'ouvriers qualifiés. « L'un des problèmes de la sous-traitance, c'est la qualité. On a besoin d'artisans... et pour obtenir ces savoir-faire, il faut une longue formation, on ne trouve pas ces gens n'importe où », confie le président de Prada, Carlo Mazzi, à l'occasion de l'inauguration d'un nouveau site industriel en Toscane.

Si la demande augmente pour les savoir-faire traditionnels, les marques de mode cherchent également à améliorer leur expertise en interne, à une époque d'innovations radicales dans le domaine des matériaux utilisés par l'industrie de la mode. Marco Bizzarri parle même du cuir artificiel, développé en laboratoire, comme d'un facteur de bouleversement important sur le secteur - même si son arrivée semble encore lointaine.

D'ailleurs, le nouveau centre ArtLab de Gucci compte parmi ses attributions la recherche et le développement : la marque cherche en effet à perfectionner ses méthodes de production, qu'elles soient traditionnelles ou innovantes. Le jour de la conférence donnée par Marco Bizzarri, on pouvait y voir des ouvriers poncer des peaux de python teintes en orange et en bleu ; ailleurs, un robot faisait subir des tests de résistance à des sneakers, en les pliant en rythme. « Quand on internalise la production, on peut engager beaucoup plus d'expérimentations et d'innovations », résume le dirigeant.

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