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16 janv. 2018
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Yann Rivoallan (The Other Store) : "Le prochain challenge des marques sera la simplification"

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16 janv. 2018

Absence de stratégie CRM, nécessité de simplification de l’offre, explosion du mobile... Spécialiste de l'accompagnement omnicanal des marques de mode, The Other Store compte parmi ses clients Aigle, Georges Rech, Fusalp, Lancel, L'Exception, Naf Naf ou Pull-In. Son cofondateur, Yann Rivoallan, évoque pour FashionNetwork.com le difficile changement de mentalité des marques sur les questions relatives au multicanal.


Yann Rivoallan - The Other Store


FashionNetwork : Quelle évolution a connu l’activité de The Other Store ?

Yann Rivoallan : Nous connaissons toujours une très forte croissance, à deux chiffres. Nous en sommes toujours à 23 % de croissance (ndlr : en 2017 par rapport à 2016), ce qui donne plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous sentons néanmoins que la croissance se fait de manière plus difficile, puisque la croissance au niveau du marché de l'habillement lui-même est inférieure d’environ dix points à celle qu'on a connue dans les années précédentes. Ce qui fait qu’il est toujours plus complexe pour nous de battre de nouveaux records de développement. Avec en plus des phénomènes chaotiques et climatiques. Les professionnels se retrouvent avec un mois de septembre extraordinairement bon, un mois d’octobre très mauvais, un mois de novembre qui redevient extrêmement bon à l’approche des fêtes, et des ventes privées plutôt décevantes ensuite au regard des semaines précédentes. Il n’y a plus de continuité dans la consommation, que ce soit dans un sens ou un autre.

FNW : Comment l’expliquez-vous ?

YR : Il y a clairement un changement de mode de consommation. Dans un premier temps, l’aspect utilitaire est de plus en plus important, notamment celui lié à la météo en fonction de laquelle des achats augmentent ou plongent d’un coup. C’est ce que nous avons connu en septembre, grâce à une météo froide extrêmement favorable à de nombreux produits, comme par exemple les chaussures. Dès que la météo est plus clémente, les chiffres connaissent une baisse. Autre changement à noter : les achats sur internet pour préparer les fêtes sont devenus plus importants que jamais, ce qui nous a permis derrière d’avoir une prodigieuse accélération des ventes, là où les réseaux physiques avaient des résultats assez décevants. Mais, pour les soldes, tout reste très compliqué. Je ne parierais pas sur mes projections alors que, les années précédentes, nous étions assez sereins.

FNW : Une concurrence nouvelle contribue-t-elle à cette évolution ?

YR : Nous sentons un vrai changement d’état d’esprit et de fonctionnement. Il y a d’une part le phénomène d’Amazon, extrêmement présent. Il suffit de regarder le nombre de colis livrés aux accueils des entreprises. C’est notamment vrai dans le prêt-à-porter, même si cela ne se ressent pas encore fortement. Il y a par ailleurs d’autres acteurs qui prennent de l’importance, comme AliExpress d’Alibaba qui arrive vendre un volume non négligeable à la France. Et le troisième élément, c’est que les sociétés constatent que l’omnicanal est plus que jamais à l’ordre du jour, avec une accélération que personne n’avait vraiment prévue, et un trafic passé de +35 % à +55 % sur le mobile. Ce phénomène rend beaucoup plus essentielles les stratégies précédemment déployées, que ce soit la gestion des équipes, du site, de la logistique.... Même si tout le monde s’y met bon an, mal an depuis 3/4 ans, nous voyons depuis récemment une accélération forte des stratégies.

FNW : C’est donc un renversement de l’approche ?

YR : Toutes les marques ont fonctionné pendant des années en mettant en avant le produit. La dimension marketing était extrêmement faible. On travaillait sur la qualité de son produit, et une bonne collection allait faire une bonne année. Désormais, même si les marques continuent de soigner leurs produits, il y a un effort marketing particulièrement poussé. Le client remplace le produit au cœur des stratégies de marques. C’est non seulement le produit qui doit être beau, mais aussi le packaging et le discours, pour que le client se sente choyé. Ce qui n’empêche pas qu’encore la moitié des marques n’ont pas mis en place de CRM (gestion de la relation client, ndlr).

FNW : Autant que cela ?

YR : Oh oui ! Et il y a encore trois ans, cela concernait 80 % des marques. C’est dû, d’une part, au mélange de la distribution wholesale et retail qui amenait les griffes à penser en priorité au produit, dans l'objectif que les multimarques l'achète. D’autre part, il y a une résistance au changement. Rajouter à son quotidien un nouveau paradigme intellectuel est une vraie complexité culturelle. C’est pour cela que les marques évoluent étape par étape, notamment au niveau de l’image. Elles ont bien compris, par exemple, l’intérêt d’Instagram pour parler de leur univers. Beaucoup de marques établies se font doubler par de nouveaux acteurs issus d’écoles de commerce, et dotés d’un fort sens marketing. Car le "marché de l’offre" a amené à avoir trop d’offres. Ce qui occasionne logiquement d'avantages encore de promotions et, de fait, des marges qui s’érodent. Alors que, pendant cela, la capacité à acquérir de nouveaux clients est un élément sur lequel les entreprises n’ont pas travaillé.

FNW : Quel est le prochain défi à relever pour les entreprises ?

YR : D’ici dix ans, le challenge des marques sera la simplification. Simplifier l’offre, la communication avec les clients, son réseau… Tout faire pour être clair et transparent vis-à-vis des clients. Car les modèles se sont complexifiés. Les marques ont fait plus d’international, plus de collections, plus de diversité de produits, ouvert des réseaux de taille et de style différents (multimarque, corner, shop-in-shop…), ce qui fait qu’au fur et à mesure des années, tout s’est complexifié avec le digital. Et de nouvelles questions sont apparues : aller en marketplace ? Vendre en crossborder ? Continuer le développement physique ? Le consommateur, via internet, est désormais confronté à cette complexité. Il faut donc clarifier.
 

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