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Pascale Cayla (l’Art en direct) : « L’art contemporain, c’est l’un des codes du luxe »

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31 mai 2017

Passionnées d’art contemporain, Pascale Cayla et Virginie Epry ont fondé en 1992 l’agence l’Art en direct, pour mettre leurs compétences en communication et gestion au service de l’art et des entreprises. Forte de cette expérience de 25 ans, Pascale Cayla raconte à FashionNetwork.com comment le luxe s’est rapproché de l’art contemporain ces 20 dernières années et quel rôle essentiel joue désormais l’art pour cette industrie.


Pascale Cayla - Photo Bruno Khoury

 
FashionNetwork : Quand art et mode ont-ils commencé à collaborer ensemble?

Pascale Cayla :
Dans les années 1980-90, les marques de luxe véhiculaient une image plutôt traditionnelle et institutionnelle. Puis, en 2001, il y a eu une déflagration. Louis Vuitton a invité l’artiste américain Stephen Sprouse à intervenir, lors d’un défilé mémorable, sur les sacs de la collection qu’il a customisés avec des tags de couleurs fluo, s’attaquant ainsi à ce que la griffe a de plus sacré : sacs, cuir et logo ! Avec cette performance, Louis Vuitton a plongé dans son temps.

FNW : C’est-à-dire ?

PC :
En termes d’image, l’art contemporain permet de montrer que l’on comprend son temps, car il parle de créativité, d’innovation, d’impertinence, de disruption. Tout ce dont a besoin l’entreprise. De grands groupes, ainsi que les banques, ont besoin de montrer à leurs actionnaires qu’elles sont visionnaires. Et elles le font à travers l’art. Dans le luxe, cette relation s’est intensifiée depuis vingt ans. Elle est bénéfique aux entreprises, mais s’est avérée aussi une formidable opportunité pour les artistes, leur permettant de diffuser leur art autrement.

FNW : Aujourd’hui, quel rôle joue l’art contemporain par rapport au secteur luxe ?

PC :
L’art contemporain, c’est l’un des codes du luxe. De par les valeurs auxquelles il fait écho, mais aussi de par l’écosystème autour de lui. Les clients du luxe sont, en effet, pour la plupart des connaisseurs et amateurs d’art contemporain. L’art est devenu un signe de réussite sociale, tout comme le fait de posséder des produits griffés de grandes maisons. Aujourd’hui, si l’on travaille dans le luxe, il faut connaître les codes de l’art contemporain. Par exemple, être dans la vente, dans une boutique de luxe, sans connaître quelques-uns de ces codes, c’est une faute professionnelle !

FNW : Un message, qui doit être difficile à faire passer…

PC :
C’est vrai. Parfois, ces grands groupes possèdent d’incroyables fondations d’art, mais ils en restent là. Or, nous sommes à une époque où l’art est un levier de performance en termes de ressources humaines. Le fait d’interagir avec l’art permet aux entreprises de séduire les nouveaux talents, qui aiment la culture et en ont besoin, de leur montrer qu’elles permettent à leurs hommes d’être créatifs et qu’elles sont capables de les faire grandir en dehors des codes habituels du travail. C’est de la responsabilité sociale. Sans compter que c’est un bénéfice pour l’entreprise. Une étude canadienne a démontré que cet investissement de bien-être au travail permet de démultiplier la productivité (soit une productivité supérieure de 1,5 à 1,7 selon l'étude, ndlr).

FNW : De quelle manière ?

PC :
L’art permet aux personnes de s’ouvrir l’esprit, de retrouver une part de créativité. Cela est d’autant plus important aujourd’hui, où les personnes sont confrontées à des rythmes compressés. Faire intervenir un artiste dans une entreprise, cela signifie qu’il va questionner le lieu de travail, ainsi que les processus, en faisant bouger les choses. Dans une unité de production, l’artiste va pousser les artisans dans leurs retranchements, et par conséquent les faire progresser. Art et mode se nourrissent en permanence. Encore faut-il avoir l’intelligence de s’engager à fond. L’une des clés de la réussite, c’est la continuité,  l’engagement sur le long terme. Lorsque les entrepreneurs mettent en place une vraie stratégie, correspondant aux besoins de leur personnel, alors là, ça fonctionne !

FNW : Les entreprises ont-elles changé leur approche vis-à-vis de l’art ?

PC 
: Après avoir nourri l’imaginaire et la communication des maisons de luxe, l’art a pris une nouvelle dimension. Depuis trois ou quatre ans, je reçois des demandes différentes. Les griffes s’approchent de l’art contemporain pour nourrir les hommes de l’entreprise. Cela peut prendre plusieurs formes : des conférences, des workshops, des résidences d’artistes dans les lieux de production pour créer une œuvre avec les artisans ou les employés. Livrer une création en dehors de leurs habitudes de travail va permettre aux gens de créer du lien. Cela raconte la créativité, l’innovation, la transversalité. Dans tous les cas, c’est un gain pour l’entreprise.

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